L’application de la législation antimaçonnique dans le monde enseignant, 1940-1941

LESLOUS Katia, L’application de la législation antimaçonnique dans le monde enseignant, 1940-1941, Maîtrise [Claire Andrieu, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 190 p.+ annexes

Le régime de Vichy mène une politique discriminatoire et répressive à l’encontre d’un grand nombre de Français. La franc-maçonnerie n’échappe pas à cette entreprise scélérate de « purification nationale » et est d’autant plus conspuée qu’elle compte parmi ses membres de nombreux enseignants à qui l’on reproche la défaite française. Notre mémoire a pour objectif d’étudier l’impact sur le monde enseignant de la législation antimaçonnique, instaurée par Vichy, et tente d’élucider quelques points : • Pourquoi et comment ces lois sont-elles instituées et quelles en sont les conséquences sur les enseignants ? • Quelles réactions ont-elles suscitées dans l’opinion publique ? • Comment des enseignants, victimes de l’exclusion se sont-ils reconvertis, et ont pu progressivement être réintégrés dans la fonction publique ?

La lucre contre l’enseignant maçon s’analyse en trois étapes : • d’abord celle de l’installation du régime avec ses premières mesures antimaçonniques, dont le point d’orgue se trouve être la loi du 13 août 1940, qui interdit les associations secrètes et oblige les fonctionnaires à souscrire une déclaration d’appartenance ou de non­-appartenance à la franc-maçonnerie ; • la seconde période débutant à partir de l’été 1941 marque le durcissement du régime et l’intensification des exactions à l’encontre des francs-maçons. La loi du 11 août 1941 attaque directement les francs-maçons en tant qu’individu, en les livrant à la vindicte publique par la publication de leur nom au Journal officiel. Des milliers d’enseignants maçons sont révoqués. Beaucoup d’entre eux qui avaient rédigé une fausse déclaration sont déférés devant les tribunaux. Cette chasse aux sorcières provoque une vive émotion dans l’opinion publique obligeant le gouvernement à rebrousser chemin par la création d’une Commission chargée de délivrer des dérogations aux victimes de cette purge administrative. Mais, la pratique montre qu’aucune dérogation n’est, durant cette période, accordée par cette Commission qui n’est qu’un artifice destiné à calmer les esprits. Les enseignants maçons, évincés de la Fonction publique, vivent dans des conditions extrêmement précaires. Certains se reconvertissent dans l’agriculture, l’artisanat, le commerce, etc. D’autres continuent d’enseigner soit en donnant des leçons particulières soit en étant engagés dans des établissements d’enseignement privé ; • la troisième phase, caractérisée par le retour de Laval au pouvoir, montre une relative atténuation de la politique autoritaire de Vichy. La « révolution nationale » s’enlisant quelque peu, le gouvernement opte pour un changement de tactique à l’encontre des enseignants et déploie tout un panel de mesures qui se veulent apaisantes. Deux mesures législatives freinent la répression : la loi du 21 juin 1942 qui confie au chef du gouvernement toutes les questions relatives aux sociétés secrètes et la loi du 19 août 1942, qui place sous l’autorité de Laval la Commission spéciale des sociétés secrètes. Malgré les difficultés inhérentes à la lutte opposant les partisans d’une modération des sanctions frappant les maçons (Laval et ses fidèles) et les réfractaires acharnés que sont, entre autres, l’amiral Platon et Pétain. En général, les Inspecteurs d’Académie œuvrent en vue de faciliter les réintégrations des enseignants démissionnés d’office, contrairement aux préfets qui s’opposent fermement à l’application de ces mesures. Afin d’amplifier la proportion d’agents réintégrés, Laval met en place un système de réintégrations soit à titre définitif, soit à titre conditionnel pour une période de deux ans. Beaucoup d’enseignants ne retourneront dans leur classe, qu’après la Libération, au moment des réintégrations massives.