PERRIER DE LA BÂTHIE Claire, L’Afrique noire française dans le grand dictionnaire Larousse. Du Second Empire aux années 1930, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 201 p.
Ce mémoire s’intéresse à l’étude de l’Afrique Noire française dans le Grand Dictionnaire Larousse à travers la phase de construction coloniale. Il débute avec l’analyse du Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle (1864-1876) qui présente l’Afrique, alors mal connue des Occidentaux, à une époque où l’idéologie coloniale est en pleine construction. Le Nouveau Larousse illustré (1897-1904) et le Larousse du XXe siècle, publié à un moment où la colonisation connaît son apogée, illustrent la façon dont évolue le regard porté par les Français sur ces contrées lointaines.
Le Larousse illustre fidèlement la manière dont l’Afrique a été peu à peu découverte et mise en valeur par les Occidentaux. La création des colonies passe par une phase d’exploration et d’organisation administrative et commerciale. De plus, on découvre un dictionnaire profondément engagé en faveur de l’idéologie coloniale. Cette dimension est particulièrement frappante dans la première édition du dictionnaire qui prend une part active dans l’élaboration du discours colonial officiel.
Ce premier aspect de notre étude montre comment le Larousse est un fidèle témoin de son époque. Il est aussi l’héritier de tout un passé culturel. Il véhicule dans ses nombreux articles la plupart des stéréotypes de l’époque qui forment un imaginaire collectif dense. Par sa diffusion, L’encyclopédie Larousse devient ainsi un agent de vulgarisation de ces idées qui mêlent images populaires et discours scientifiques. Les descriptions physiques et morales qui sont faites des populations africaines sont pour la plupart fidèles à ce lourd héritage culturel. Le Larousse fait parfois preuve d’une certaine originalité en montrant par exemple que le continent africain ne forme pas un bloc homogène. Il ne se montre cependant guère original dans sa représentation de l’Afrique, lue à travers le prisme d’une civilisation certaine de sa supériorité. Tout se passe comme si les rédacteurs du Larousse cherchaient à retrouver dans ce continent étrange des traces de leur propre culture. Le discours laroussien, à l’image de celui de ses contemporains, est finalement moins tourné vers l’altérité que vers l’Occident qui demeure la référence.
La représentation de l’Afrique Noire dans le Grand Dictionnaire Larousse est ainsi porteuse de maints stéréotypes qui, pour le lecteur de la fin du XXe siècle, semblent racistes et indécents. Les images de l’Africain mêlent avec ambigüité des sentiments de fascination et de répulsion, impulsés par le discours colonial. Prisonnier de son époque, le Larousse voit dans le Noir le reflet du Blanc et ne parvient pas toujours à maintenir le cap de l’objectivité.
Le Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle, surtout, est très profondément marqué par la forte personnalité de Pierre Larousse qui lui a insufflé ses opinions. La première édition du Larousse s’en trouve être une œuvre parfois très subjective, avec son ton incisif, marqué par un lyrisme qui participe aujourd’hui à son charme. Les deux éditions suivantes évoluent vers plus de sobriété et deviennent beaucoup plus synthétiques dans leurs discourts. L’étude de ces trois éditions souligne comment la méthode encyclopédique et la façon de percevoir le savoir changent au cours de la période.