L’Académie française et les académiciens dans le champ politique français, 1930-1940

MALLAT DESMORTIERS Anne-Sophie, L’Académie française et les académiciens dans le champ politique français, 1930-1940, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 184 p.

En fondant un corps littéraire d’État, Richelieu donnait à la France une institution où se rencontraient littérature (culture au sens large) et politique (c’est-à-dire influence sur la cité et son organisation). Parce que l’Académie prolonge et renouvelle continuellement ses origines par un rite identitaire, elle peut prétendre exercer une mission qu’elle a à la fois reçue de l’État et qu’elle s’est fixée elle-même, celle de propager la vertu, la charité et la justice.

La Première Guerre mondiale heurte de plein fouet ses convictions pacifistes et morales. Hommes du XIXe siècle, les académiciens ont une culture politique emplie à la fois de nationalisme et de pacifisme, qui conditionne la représentation qu’ils se font, longtemps après, de la guerre.

Attachés à ce que la France ne perde pas son rang, ils fustigent la « paix trop douce pour ce qu’elle a de dur ». Cependant, plus tard déjà âgés, les académiciens voient dans la guerre le catalyseur des changements survenus au XXe siècle. La guerre a entraîné chaos et désillusions. L’âge d’or est terminé, vaincu par la modernité.

L’Académie, tout au long des années Trente, évolue vers une « droite à l’état pur », tout en menant une virulente croisade contre la vie moderne. Cependant, elle parvient en partie à échapper au conservatisme et au discours trop virulent sur la décadence. Les académiciens sont en effet des hommes intelligents, humanistes, des esprits élevés au-dessus des luttes temporelles. Ils se font un devoir de sauver la civilisation en danger grâce à la culture et à l’Esprit.

Tout au long des années Trente, l’Académie fait preuve d’un passionnant paradoxe : elle allie un nationalisme ouvert au progrès de l’humanité, et aux autres nations, à un nationalisme fermé, c’est-à-dire replié sur la France et ses frontières, jaloux et fier des beautés et du prestige de son pays. D’un côté, une institution éprise d’humanisme messianique ; de l’autre, des hommes dont la culture politique reste très marquée par la terre, la famille et la patrie.