La répression de l’avortement, 1939-1945

MERCIER Isabelle, La répression de l’avortement, 1939-1945, Maîtrise [Claire Andrieu, Jean-Louis Robert) Univ. Paris 1 CHS, 2001, 2 vol. : 153 p. et 50 p.

La démographie française devenant dans les années 1930 une préoccupation croissante, une véritable politique de la Famille et de la natalité fut mise en place par le gouvernement Dalladier. Le Code de la Famille, décret du 29 juillet 1939, renforça la répression de l’avortement, considéré comme un fléau. Les peines punissant ce délit, jugé devant les tribunaux correctionnels depuis 1923, s’en trouvèrent considérablement augmentées.

Avec l’avènement du régime de Vichy, la lutte contre l’avortement prit une nouvelle dimension. La défaite française, causée, selon les autorités, par la faiblesse de la natalité et la culpabilité de certains groupes d’individus, auxquels les femmes et les avorteurs appartenaient, légitima une nouvelle campagne lancée contre l’interruption volontaire de grossesse. Celle-ci, toujours punie en application des peines prévues par le Code de la Famille, fut plus sévèrement réprimée. Le 14 septembre 1941, une loi interdit l’application des circonstances atténuantes et du sursis en cas d’avortement, au même titre que tout acte susceptible de nuire au peuple français. Le 15 février 1942, le gouvernement français s’octroya la possibilité de déférer à une juridiction d’exception, le Tribunal d’État, créé le 7 septembre 1941, les avorteurs dits professionnels.

Le Tribunal d’État, prévu à l’origine afin de juger des personnes coupables « d’activités communistes », de trafics de cartes d’alimentation, de hausse illicite, fut un véritable archétype de l’outil de répression politique. L’application du sursis et des circonstances atténuantes fut impossible. Nommés par décret, les magistrats, qui y siégèrent ne furent pas tous professionnels. Les peines prévues étaient extrêmement sévères, allant jusqu’à la peine de mort, sans aucun recours.

Quarante-six personnes furent jugées par deux sections du Tribunal, l’une parisienne, l’autre lyonnaise, jusqu’en juillet 1944. Deux avorteurs, condamnés à la peine de mort, furent exécutés en 1943, d’autres condamnés à de longues peines de travaux forcés. De plus, de nombreuses femmes avortées et leurs complices, maris, amants, mères, amis se retrouvent sur les bancs des accusés, victimes d’une propagande offensive et d’une répression effective.