La politique culturelle de la municipalité d’Ivry-sur-Seine entre 1945 et 1973

POUPARDIN Marie, La politique culturelle de la municipalité d’Ivry-sur-Seine entre 1945 et 1973, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 148 p.

Au lendemain de la Libération, Ivry fait partie des municipalités à forte implantation du Parti communiste français. Elle s’érige progressivement en ville « laboratoire » du phénomène communiste en France et en ville-phare du communisme municipal. Les années qui suivent la guerre connaissent, d’une part, une certaine dispersion des initiateurs de politique culturelle et, d’autre part, une uniformité du contenu de cette politique. Il existe certes quelques associations culturelles, mais le rôle de diffusion de la culture est également propre à d’autres types d’organisations et institutions qui participent toutes de cette sociabilité formelle et informelle et qui contribuent, sans approche réellement planifiée, à l’élaboration de la vie culturelle ivryenne. Il s’agit des mouvements politiques et sociaux politiquement proches du PCF, du tissu associatif qui contribue à la construction de solides réseaux de sociabilité, ou encore de l’action municipale, qui cherche la plupart du temps à obtenir le bénéfice moral de l’ensemble des activités mises en place et développées par ces associations. Ainsi, dans un premier temps, la politique culturelle municipale s’articule autour de trois thèmes majeurs : tout d’abord, le souci d’éducation populaire, puis celui de développer une identité commune autour de l’histoire de l’URSS, enfin, celui de pérenniser une mémoire de la Résistance et de faire du Parti communiste le Parti résistant. Ces trois orientations sont, semble-t-il, uniformément adoptées et ceci est la conséquence directe de la politique du PCF qui consiste à construi­re dans les municipalités qu’il dirige une « contre société ». La culture n’est donc pas un véritable secteur autonome qui suscite une politique précise puisque les pratiques culturelles sont la plupart du temps mêlées à d’autres types d’activités, notamment politiques, mais aussi de loisir. À partir des années soixante, le secteur culturel tend à s’autonomiser et devient peu à peu un enjeu de taille pour la municipalité. Pour répondre à une nouvelle demande ainsi que pour faire face à la politique culturelle gouvernementale mise en œuvre par le récent Ministère des Affaires culturelles, la municipalité se dote d’institutions (Centre culturel ; Service municipal des Affaires culturelles ; Commission culturelle municipale, etc.) dont l’objectif est, dans un premier temps, le regroupement des associations culturelles existantes puis, dans un second temps, de permettre à la municipalité de participer réellement au développement culturel de la ville. L’action culturelle municipale devient donc la concurrente de celle du ministère des Affaires culturelles. Enfin, en 1973, la création du Théâtre des Quartiers d’Ivry, dont la naissance est due à l’adéquation entre les projets culturels municipaux et le projet personnel d’Antoine Vitez, produit un véritable changement de l’orientation de la politique culturelle municipale. En effet, le succès et la réussite du Théâtre des Quartiers d’Ivry apportent à la commune une nouvelle identité bâtie sur une expérience culturelle, identité qui n’est désormais plus uniquement politique.

Si l’on peut constater de réelles modifications du comportement municipal à l’égard du secteur culturel, il est également possible de relever la pérennité de cer­taines valeurs. En effet, tout au long de la période étudiée, le fort attachement de la municipalité à l’idée d’éducation populaire la conduit souvent à confondre politique d’éducation et politique culturelle. De plus, la municipalité conserve sa volonté d’établir un lien étroit entre politique et culture. Les choix culturels se doivent la plupart du temps de refléter des choix politiques et la diffusion de bribes de culture soviétique est loin d’être abandonnée, même après les années soixante.