La mémoire officielle des tirailleurs sénégalais de 1945 à nos jours,

COUGNOUX Mélanie, La mémoire officielle des tirailleurs sénégalais de 1945 à nos jours, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Marie-Claude Blanc-Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 203 p.

Lors des deux guerres mondiales, la France a fait appel à son Empire pour lui venir en aide. Des soldats de toutes les colonies ont donc débarqué en France dont les soldats de l’Afrique française réunis sous le vocable de « tirailleurs sénégalais ». Ils ont eu un rôle important dans un certain nombre de grandes batailles, ainsi que dans la libération de la France. Dans cette étude, il s’agit de voir comment la France, dans ce qu’elle a d’officiel, a rendu hommage à ces hommes. Le terme « mémoire officielle » désigne la mémoire produite par l’État, les régions, les communes et accessible au public à plus ou moins grande échelle. Dans l’immédiat après-guerre et jusque dans les années quatre-vingt, la mémoire des tirailleurs sénégalais est locale et associative, quasiment absente de la mémoire nationale. Des monuments et plaques sont érigés, commémorant essentiellement les massacres de 1940. Cette mémoire perdure après la décolonisation. Cependant en 1959 est décidée la cristallisation des pensions, c’est-à-dire le gel des montants versés au niveau atteint à la date de publication des décrets d’application. Dans les années soixante-dix, l’inflation agissant, l’écart de revenu se creuse entre anciens combattants français et africains. Puis, dans les années quatre-vingt, elle prend de l’importance, car elle sert un combat politique, celui de la lutte contre le racisme et contre l’extrême droite montante. Sont alors mises en avant les actions des étrangers et des tirailleurs dans la résistance et la libération de la France. Ce phénomène a fait que la mémoire des tirailleurs a été progressivement intégrée à notre mémoire nationale. Cela a permis dans un troisième temps de la faire tendre vers une mémoire à part entière, dont l’État est un relais actif et même parfois initiateur, vers la fin des années quatre-vingt-dix et début deux-mille. Des films sont produits rappelant le rôle des tirailleurs pendant les deux guerres mondiales et dénonçant également les oublis dont ils ont été victimes. Depuis peu, l’État se penche également sur le problème des pensions, la décristallisation ayant été très largement approuvée. Cependant, il faut noter que cette mémoire comporte encore des silences importants. Les recrutements des soldats africains et les méthodes douteuses employées à l’époque ne sont jamais mentionnés dans les articles, parfois rapidement évoqués dans les films, mais cela est le seul élément. Les tirailleurs sénégalais ne figurent pas toujours dans le récit de certaines batailles auxquelles ils ont pourtant participé. Les raisons de ces silences ne sont pas évidentes, ce travail présente quelques éléments de réponses. Cette étude ne prétend pas être exhaustive quant aux lieux de mémoire des tirailleurs sénégalais, mais propose de réfléchir à la place qui leur est accordée dans notre mémoire nationale, et les raisons des changements.