La mémoire des fusillés de Vingré

PAMART Marie, La mémoire des fusillés de Vingré, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 129 p.

Dans le hameau de Vingré (Aisne), douze soldats ont été fusillés pendant la Première Guerre mondiale, entre le 10 octobre et le 12 décembre 1914. Alphonse Brosse et Jean Boursaud, du 238e RI, accusés d’abandon de poste en présence de l’ennemi, sont fusillés le 10 octobre 1914 à Ambleny. Henri Jolbert et Émile Guiraud, du 42e RI, sont fusillés le 16 novembre à Vingré, pour le même motif Léonard Leymarie, du 305e RI, accusé d’abandon de poste en présence de l’ennemi pour mutilation volontaire, est fusillé à Fontenoy le 12 décembre 1914. Le même jour, Jean Grataloux, du 238e RI, est fusillé pour abandon de poste à Vingré. Le 4 décembre, vingt-quatre hommes du 298e RI passent en Conseil de guerre, accusés du même motif d’abandon de poste. Six sont passés par les armes_ : Henri Floch, Jean Blanchard, Francisque Durantet, Pierre Gay, Claude Pettelet et Jean Quinault. Des circonstances particulières, liées à la guerre, ont permis aux cours martiales, rétablies sous le nom de « conseils de guerre spéciaux », de condamner, à la hâte, ces hommes. Floch, Blanchard, Durantet, Gay, Pettelet et Quinault, appelés couramment « fusillés de Vingré » ont été réhabilités le 29 janvier 1921 par la Cour de Cassation, grâce à l’action de leurs familles, de Claude Lafloque, des associations d’anciens combattants et de la Ligue des droits de l’homme. Seulement, les officiers, coupables d’avoir fait fusiller des hommes qu’ils savaient innocents, ne sont pas punis lors du conseil de guerre de Clermont-Ferrand, qui se tient en octobre 1922. Ces événements inspirent quelques journalistes et écrivains, tel Andraud, Réau, Yrondy, à écrire sur Vingré et les histoires de fusillés du début de guerre. En ce qui concerne les six autres fusillés, ils n’ont jamais été réhabilités. Ces affaires n’ont pas été oubliées, ni dans les familles, ni dans leurs régions, ni à Vingré. Rencontrant et interviewant les familles de huit des fusillés de Vingré, il m’a été possible de saisir leurs doutes, leurs émotions et leurs peines ; seule la famille de Jean Boursaud ignorait les événements. Certaines ont préféré taire et tenté d’oublier ce triste passé, tandis que chez d’autres, la mémoire de ces hommes n’a jamais cessé de vivre. Outre la mémoire familiale autour des fusillés pour l’exemple, diverses manifestations ont eu lieu dans les années 1920, telle l’inauguration d’un monument des fusillés à Vingré, en 1925. Depuis quelques années, un retour des commémorations à la mémoire des fusillés s’observe, ainsi que la parution d’écrits ou de films ayant pour thème les fusillés pour l’exemple. Ces différentes manifestations de la mémoire des fusillés pour l’exemple ont été reprises par les politiques, tel Lionel Jospin à Craonne, le 5 novembre 1998. De plus en plus souvent, on tend à confondre mutins et fusillés pour l’exemple, alors qu’il existe des différences essentielles, d’ordre, politiques, juridiques et militaires. Peu d’hommes, fusillés pour l’exemple au début de la guerre, ont été réhabilités, alors que les responsables de ces exécutions, eux, n’ont jamais été poursuivis.