La mémoire de la seconde guerre mondiale dans l’ancien département de la Seine à travers le nom des rues

RAIMOND Pierre-François, La mémoire de la seconde guerre mondiale dans l’ancien département de la Seine à travers le nom des rues, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 201 p.

Qu’a-t-on voulu retenir d’une période aussi complexe que la Seconde Guerre mondiale ? Ce lieu de mémoire particulier qu’est le nom des rues permet d’étudier une mémoire à la fois officielle et publique à l’échelle des communes de l’ancien département de la Seine, qui offrent à l’historien des cas aussi différents que celui de la capitale, vitrine de la France, et des communes beaucoup plus petites de la « banlieue rouge ». Encore aujourd’hui, le corpus des noms de rues y est marqué par les vagues de dénominations de la Libération. Elles ont mis en place dans l’espace de la ville une mémoire de la guerre qui exalte la France, le parti auquel les responsables locaux appartenaient et les communes qu’ils administraient et qui est dominée par la vision que les responsables communistes se font du conflit mondial. Entre 1947 et la fin des années soixante, si le rythme des dénominations nouvelles diminue nettement, les heurts entre les tenants d’une mémoire communiste qui cherche à consolider ses positions et les promoteurs d’une mémoire gaulliste qui tente de s’installer se multiplient, mettant en valeur les enjeux de cette mémoire. À travers le souvenir de la guerre, il s’agit aussi bien pour la nation que pour les partis et les communes, de se reconstruire une identité malmenée par le conflit. Autant le nom des rues constituait un support de mémoire idéal pour la mise en place d’une vision héroïque et glorieuse de la guerre, autant à partir des années 1970 la dénomination semble avoir du mal à s’adapter à la crise qui touche, à travers d’autres vecteurs de mémoire, l’image de la période 1939-1945. L’émergence d’une mémoire juive dans le corpus des dénominations de voies publiques est extrêmement tardive et limitée, ce qui traduit la difficulté du passage d’une mémoire glorieuse à une mémoire douloureuse et parfois peu favorable à la France pour un support qui, par tradition, était entièrement attaché à l’exaltation d’une nation en armes, défendant victorieusement ses valeurs humanistes.