La fête du Front National, 1981-1990

ISSERT Yannick, La fête du Front National, 1981-1990, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 180 p. + annexes

Depuis 1981, le Front National organise, chaque année, une fête des « Bleus Blancs Rouges ». Intitulée ainsi, cette fête consacre la rentrée politique de J.M. Le Pen en septembre-octobre, peu après le discours de la Trinité-sur­Mer, et parallèlement à la manifestation de Jeanne d’Arc.

L’objectif de ce rassemblement est, entre autres, une mobilisation des fédérations FN régionales et locales, dans un lieu proche de Paris, l’espace d’un week-end. Fêtes champêtres et familiales de 1981 à 1983, elles prennent une ampleur nouvelle à partir de 1984, corollaire à l’émergence électorale du FN.

Ce mémoire se propose de mettre essentiellement en lumière la nature de ces fêtes politiques. Dans une première partie, on s’intéresse à présenter les conditions de leur réalisation. Il apparaît que les organisateurs sont des propagandistes du FN dont la plupart ont des antécédents politiques anciens et souvent communs, qui remontent parfois à la campagne TV de 1965. Les cadres où se déroulent ces fêtes sont variables du fait de la difficulté pour les promoteurs de consacrer un lieu fixe à leurs rassemblements et qui puisse acquérir une dimension symbolique. La réussite de ces fêtes dépend, pour une large part, de la mobilisation des fédérations FN, dont la répartition géographique et le nombre évoluent à partir de 1984. Enfin, « l’ouverture médiatique » de J.M. Le Pen dès 1983, contribue à un processus de reconnaissance de ces fêtes.

Dans une deuxième partie, on se propose de décrire « les » fêtes qui composent « la » fête. Fête de nationaux-catholiques à travers la « grand-messe » des BBR ; grande kermesse militante d’une partie de l’extrême droite à travers les stands de livres, parfois les débats ou les divertissements, qui permet ainsi l’expression d’un groupe politique ; enfin, fête de J.M. Le Pen lui-même, à travers son « grand meeting de clôture » qui constitue véritablement le « clou » de la fête.

Quelques observations. D’une part, ce type de sujet nous impose une vision « globalisante » qui se trouve sans cesse remise en cause ou enrichie par des données qui l’actualisent. On ne peut aboutir qu’à des remarques prudentes. D’autre part, on s’en est tenu aux sources les plus facilement accessibles : celles fournies par la presse elle-même, militante ou non, qui se fait depuis le début le principal écho de cet événement. Quelques entretiens ont été également effectués dans le but de confirmer ou de corriger notre grille de lecture. Néanmoins, il faudrait ajouter une étude sociologique ou ethnologique à notre angle d’approche.

Ce mémoire repose donc, pour une large part, sur l’image que donne le FN de sa fête à travers les comptes-rendus de sa presse interne et périphérique. Il ressort que la fête des BBR est une fête de familles politiques de 1981 à 1983. À partir de 1984, les fêtes consacrent les premiers scores électoraux du FN et semblent célébrer un leader érigé en « super-héros ». La fête unitaire d’une partie de l’extrême droite tendrait à laisser la place à la fête d’un « triomphateur » et de sa seule formation politique, microsociété constituée.

Considérée comme une « contre-fête » de L’Humanité, la fête des BBR se donne l’aspect d’une grande fête politique et populaire « institutionnalisée », une « photographie du pays et de la société ». Constructions d’images probablement, que l’on essaie d’évoquer dans notre troisième partie, et qui portent en elles-mêmes les limites de ces rassemblements politiques.