La coopérative agricole de stockage de la Brie 1931-1945

BORDAIS Muriel, La coopérative agricole de stockage de la Brie 1931-1945, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 124 p.

Le début des années trente est marqué par une crise généralisée, mais aussi par une grave crise agricole affectant les prix de toutes les productions avec plus ou moins d’importance. En ce qui concerne les céréales, et surtout le blé, le prix du quintal chute de façon vertigineuse pour atteindre le seuil d’environ 74,50 F le quintal en 1935 (l’année la plus critique). Dans les départements pratiquant la monoculture intensive, cette crise est durement ressentie, comme c’est le cas pour la Seine-et-Marne (produisant essentiellement des céréales et des betteraves).

C’est dans ce contexte que naît la Coopérative agricole de stockage de « la Brie » en 1931, dans un réflexe de défense de la céréaliculture briarde. Les premières années sont très difficiles, la CGT n’est pas écoutée puis se retrouve décapitée. Suit une belle renaissance, permise par le climat du Front populaire. Les cégétistes deviennent enfin de véritables partenaires sociaux pour la direction d’Air France. La « drôle de guerre » fait s’évaporer les effectifs ; quelques responsables parviennent néanmoins, en vertu de leur connaissance du personnel, à se faire admettre et tolérer des fonctionnaires placés par Vichy. Et encore une fois, le syndicat renaît de ses cendres avec la Libération. Promu par les faits, représentant incontournable de l’entreprise auprès des pouvoirs publics, il les lance dans la participation à la reconstruction de la Compagnie. Les intérêts syndicaux et ceux de l’entreprise se confondent totalement, jusqu’à ce que les antagonismes politiques et économiques reprennent le dessus en 1947 : les cégétistes basculent dans la lutte totale contre la direction, au moyen de la grève massive. Mais en fin de compte, à l’orée des années 1950, le syndicat en ressort exsangue, d’autant plus que la scission syndicale, et la concurrence d’un groupe, Force ouvrière Air France, le frappent durement. La CGT dispose néanmoins d’un autre front pour se faire entendre et poser des revendications : le Comité d’entreprise, qu’elle a façonné dès 1945. Devenu un enjeu majeur, le CE constitue un outil concret pour mettre en place des œuvres sociales et gagner l’assurance des salariés. Les années 1950 sont donc employées à une redéfinition des positions du syndicat dans l’entreprise : travail sur les revendications locales, appui dans les ateliers, bureaux, lutte au pied à pied contre la direction générale et Force ouvrière au sein du Comité central d’entreprise. Vers 1960, les assises de l’organisation sont confortées, et le climat idéologique de résistance à la politique gaulliste permet d’imposer de nouveau un rapport de force à la direction d’Air France. La CGT orchestre arrêts de travail massifs et grèves perlées dans des sites éloignés géographiquement les uns des autres et socialement différents. Les points forts ne sont plus seulement les ouvriers des hangars de révision de l’aéroport international de Paris-Orly, cœur vital de la compagnie nationale. On peut compter également des syndiqués actifs chez les manutentionnaires et employés de la gare de fret d’Orly-Sud, dans une proportion un peu moindre chez les cols blancs et agents commerciaux del’aérogare d’Orly, et encore dans des centres mineurs au Bourget, Courbevoie, Marseille-Marignane ou Toulouse-Montaudran…

À la fin des années 1960, la CGT semble donc avoir mené avec succès diverses mutations, s’imposant dans l’entreprise atypique, éclatée et hétérogène qu’est Air France, avec l’aide souvent décisive du Comité d’entreprise, comme un élément à part entière de la compagnie nationale. De ce portrait ressort une CGT diverse, traversée de multiples crises en 1935, 1947-48, souvent remise en cause, engagée à la fois dans la politique et les débats posés par les révolutions du transport aérien, qui finalement a su s’adapter aux exigences du travail aérien.