Évolutions des identités des jeunes Portugais et d’origine portugaise, 1982-2002

PINGAULT Jean-Baptiste, Évolutions des identités des jeunes Portugais et d’origine portugaise, 1982-2002, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Marie-Claude Blanc-Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 2 vol. 166 p. et 142 p. d’annexes

Plusieurs facteurs historiques d’évolution des identités chez les jeunes d’origine portugaise sont à l’œuvre au cours de cette période : l’évolution des ressources identitaires (le pays d’origine, le pays d’accueil, l’évolution de la première génération immigrée) ; l’intégration croissante de la population issue de l’immigration portugaise ; l’évolution des cadres sociaux, politiques et économiques dans lesquels leur identité s’affirme et ce, tant au Portugal qu’en France.

Les modes d’affirmation identitaire des élites prenant la parole chez les jeunes Portugais et d’origine portugaise connaissent deux phases bien distinctes au cours de ces vingt années. La première génération de jeunes, souvent immigrés jeunes avec leurs parents, s’affirme dans le cadre du mouvement social et politique du début des années 80, autour des jeunes issus de l’immigration et notamment avec les jeunes d’origine maghrébine. Les Thos ont pris part aux débats de leur temps sur les jeunes issus de l’immigration, collaborant avec d’autres populations issues de l’immigration, notamment les beurs, dans une tentative de création d’une identité immigrée et multiculturelle. Ils mettaient l’accent sur l’intégration des Portugais dans l’espace social et politique français. Les luso-descendants, au contraire, ont profité de la modernisation du Portugal perçue au travers des grands journaux français à la toute fin des années 80, pour mettre en valeur une identité portugaise moderne. La dynamique est avant tout portugaise et non plus multiculturelle, l’immigration est plutôt mise à distance que revendiquée. Les luso-descendants se focalisent sur le maintien du lien des jeunes Portugais et d’origine portugaise avec leur pays d’origine, en ce sens, si volonté d’intégration il y a, elle se dirige vers le Portugal et non plus vers la France. Les différences sont dues à une plus grande acculturation des luso-descendants, pour beaucoup nés en France, qui les pousse à insister sur leur identité portugaise. Elles sont accentuées par le changement d’attitude des politiques français : tenant un discours plus social qu’ethnique au cours des années 80, ils se sont progressivement adressés de manière plus collective qu’individuelle aux populations issue de l’immigration et notamment aux luso-descendants, tendant à les constituer par là en groupe de pression.

Le mode d’affirmation des Thos a connu moins de succès chez les jeunes Portugais et d’origine portugaise que celui des luso-descendants. La revendication d’une solidarité militante avec les immigrés est une voie plus exigeante que la revendication d’une appartenance à un pays en voie de moèlernisation. De plus, le projet des Thos est resté en marge de la stratégie, majoritaire dans l’immigration portugaise, de distinction avec les autres populations immigrées, notamment non-européennes.

L’évolution de l’identité, non pas affirmée par une élite, mais vécue par la majorité, se concentre autour de phénomènes de convergences entre les différentes sources identitaires dont disposent les jeunes Portugais et d’origine portugaise. L’adaptation progressive de la première génération à la région d’accueil permet de réduire le choc entre la culture du Portugal des années 60 et I’acculturation urbaine des enfants en France. Ainsi, la conflictualité avec les parents et la culture rurale d’origine, qui était un élément important de l’identité chez les Thos (partagé en bonne partie par leur génération, apparaît beaucoup moins flagrante aujourd’hui. La deuxième convergence est celle entre le pays d’accueil et le pays d’origine. Les stéréotypes du Portugal « pays sous-développé » perdent de leur force pe mettant ainsi un meilleur équilibre entre les ressources identitaires de ces Jeunes et une affrrmation de leur appartenance plus aisée.