Essai sur l’immigration grecque en France au XXe siècle

KANONIDIS Dominique, Essai sur l’immigration grecque en France au XXe siècle, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 190 p.

Au XXe siècle, l’immigration grecque est restée en marge des grands courants migratoires de ce pays, mais elle reflète assez bien la diversité de l’immigration en France. Celle-ci est en effet le seul pays d’Europe où, depuis plus d’un siècle, l’immigration est un phénomène constant revêtant une certaine ampleur.

Les Grecs, dont on repérait à peine la trace avant 1914, émergent en pleine Première Guerre mondiale quand, pour alimenter un marché du travail déficient, l’État français met en place une politique de recrutement de travailleurs étrangers. C’est autour de ce noyau initial que s’agglomèrent, dans les années 1920 des nouveaux venus qui forment le second flux migratoire du siècle. Enfin, après l’intermède de la Seconde Guerre mondiale, une dernière vague migratoire prend corps pour s’amplifier surtout dans les années 1960.

L’immigration grecque, qui frappe surtout par son caractère économique même si parfois viennent s’y greffer des mobiles politiques, est l’exemple type d’une immigration ancienne qui, une fois établie, s’est entretenue pendant près d’un siècle par le biais des filières d’autorecrutement. C’est d’ailleurs ce qui explique son caractère marginal, puisque depuis la guerre de 1914-1918 la France n’a plus jamais sollicité la main-d’œuvre hellénique. Aussi, depuis 1945, la faiblesse du flux migratoire ne compense plus les naturalisations ni les décès des acteurs des deux premières vagues migratoires, si bien que l’effectif grec est en constante diminution. Issue d’une immigration ancienne, la communauté grecque est aujourd’hui largement francisée, puisque composée de Grecs naturalisés et de Français d’origine grecque qui sont estimés à 30 000 personnes.

On peut considérer l’insertion des Grecs dans la société française comme un modèle d’intégration réussie. Une intégration silencieuse, au prix d’une véritable mutation sociale, qui a vaincu les soubresauts du siècle en leur opposant la solidarité entre compatriotes et la cohésion géographique. À une phase de prolétarisation mal acceptée succéda une phase d’ascension sociale facilitée par une grande capacité d’adaptation et un esprit d’initiative manifeste. En outre, la faiblesse numérique a facilité la qualité des contacts, et l’absence de ressentiment historique a joué comme un facteur favorable.

Toutefois, il peut y avoir une intégration satisfaisante qui n’induise aucune assimilation. Dès le début des années 1920, les Grecs se sont dotés de structures communautaires, notamment un vaste réseau d’églises orthodoxes, d’associations et d’écoles, où s’est effectué le processus qui a contribué à maintenir et à renforcer les liens d’appartenance au pays d’origine. Aujourd’hui, l’identité nationale, malgré certaines « pertes », survit en France. Les générations issues de cette migration revendiquent leur patrimoine culturel, mais tiennent à affirmer leur double allégeance à la fois envers la Grèce et la France. La communauté grecque et d’origine grecque constitue, de nos jours, une des minorités constituantes de la communauté nationale française.