Citroën-Paris en mai-juin 1968 dualités de la grève

HASSENTEUFEL Patrick, Citroën-Paris en mai-juin 1968 dualités de la grève, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1987, 216 p.

Citroën, du fait de l’image quasi caricaturale qu’elle donne de la contradiction entre modernité économique et archaïsmes sociaux, offre un champ d’analyse intéressant pour la grève de mai-juin 1968. Le premier aspect mis en évidence est la résistance d’une partie de la « base » (c’est-à-dire les non syndiqués au moment du déclenchement de la grève), qui s’affirme maoïste, au fort encadrement syndical de la grève (avant tout de la part de la CGT). Ce groupe maoïste se différencie à la fois par ses formes d’action, sa vision de la grève, par la dimension politique qu’il lui accorde, par ses revendications et par sa composition. Ainsi se met en place une dualité qui a rendu plus complexe l’opposition ultérieure au sein de l’entreprise. On a donc ici un exemple des changements entraînés par l’émergence de l’extrême gauche dans les entreprises à la faveur de la grève de mai-juin 1968. L’autre aspect est la différenciation entre le rôle du contexte extérieur, formé par les événements de Mai 68, et celui des spécificités structurelles de l’entreprise, au niveau de son système de relations sociales. On voit que chez Citroën celles-ci déterminent les principaux aspects de la grève : la prépondérance syndicale, sa forte dimension émancipatrice, la présence importante de revendications structurelles, c’est-à-dire mettant en cause le système de relations sociales, une participation à l’occupation dominée par les ouvriers professionnels fran­çais, et une puissante opposition à la grève de la part de la direction, qui aboutit en fin de compte à une grève longue (six semaines). C’est aussi la structure qui permet de comprendre que la grève de 1968 fût, chez Citroën, une grève d’émergence syndicale ; alors que le contexte a permis le déclenchement, l’ouverture des discussions et leur dénouement.