Cent quatre-vingt dix lettres de pacifistes (juin 1916-octobre 1916) : étude d’une population et d’un discours pacifiste au travers d’une correspondance adressée au député Brizon

BONZON Thierry, Cent quatre-vingt dix lettres de pacifistes (juin 1916-octobre 1916) : étude d’une population et d’un discours pacifiste au travers d’une correspondance adressée au député Brizon, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985

24 juin 1916 : Après Karl Liebknecht en Allemag­ne, trois députés français votent contre les crédits de guerre. À l’issue de ce vote, l’un d’eux — leur porte-­parole, le socialiste minoritaire Pierre Brizon, député de la deuxième circonscription de Moulins — reçoit près de deux cents lettres d’approbation. Celles-ci constituent le fonds sur lequel nous avons travaillé.

L’étude entreprise prend pour objet tout à la fois une population pacifiste, le discours de ses membres et la façon dont ils se représentent et se situent à l’intérieur de la société en guerre de 1916.

Si le sentiment de former une population importante voire majoritaire au sein de la société est partagé par l’ensemble des correspondants, on peut mesurer les difficultés qui se présentent à la construction d’un mouvement pacifiste. Elles sont réelles et constituent un obstacle à l’émergence d’un « nous » collectif qui ne soit pas qu’une simple gestuelle verbale, mais traduise la conscience qu’ont les correspondants former, plus qu’une simple collectif d’individus, un groupe conscient, voire un véritable mouvement.

À cet égard, le rejet de toute action pacifiste sur la personne de Brizon d’une part et dans l’avant­-guerre d’autre part témoigne d’une sorte d’impossibilité pour les correspondants à concevoir l’émergence d’un mouvement pacifiste agissant et autonome qui puisse dépasser le périmètre étroit d’un cercle militant. Sur le fond, on voit mal comment les pacifistes pourraient surmonter cet interdit tacite — que beaucoup font leur — touchant l’entreprise de défense nationale ainsi que le caractère mêlé de la population pacifiste dont le discours lui-même témoigne.