Boris Vian, de la mort d’un homme connu, mais méconnu à la reconnaissance publique et critique d’un artiste pluriel (1959-1999)

GONZALO Christelle, Boris Vian, de la mort d’un homme connu, mais méconnu à la reconnaissance publique et critique d’un artiste pluriel (1959-1999), Maitrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], 2002, Univ. Paris 1 CHS, 388 p.

Boris Vian est un artiste multiple, tout à la fois écrivain, poète, musicien de Jazz, chroniqueur, peintre, auteur de livrets d’opéra, chanteur et auteur de plus de cinq cent chansons, etc. De son vivant, il a connu que peu de succès : une notoriété toute parisienne en tant qu’animateur des nuits de Saint-Germain-des-Prés après la Libération, et une aura de scandale consécutif à la parution de son pastiche de Série-noire américaine J’irai cracher sur vos tombes, publié sous le pseudonyme de Vernon Sullivan. Lorsqu’il décède en 1959, il laisse derrière lui une mauvaise réputation et une œuvre méconnue. Mais très vite, ses proches et quelques auditeurs audacieux tentent de faire connaître le Boris Vian romancier, dramaturge et chanteur, et le public découvre alors derrière le provocateur le véritable poète. Les textes qui avaient été pilonnés sont republiés, des inédits paraissent et Vian est à partir de 1966 récupéré par un lectorat principalement jeune qui se retrouve dans ses désirs et ses angoisses. Durant les Années 68, l’écrivain est érigé en figure d’une contestation multiforme et d’essence juvénile qui tend à faire de lui l’auteur d’une puis de plusieurs générations de jeunes gens. À la fin de la décennie 1970, la mode s’estompe quelque peu et Boris Vian tend progressivement à s’institutionnaliser. Étudié dans les lycées, traduit à I’étranger, érigé en écrivain-symbole de la moitié du XXe siècle, il voit son nom accolé aux façades des établissements scolaires et des centres culturels et, en 1999, les premiers tomes de ses Œuvres complètes voient le jour chez Fayard.

C’est cette fulgurante progression dont nous tentons de rendre compte ici, en étudiant non seulement les vecteurs de production, de diffusion et de réception d’un Boris Vian considéré en tant que phénomène culturel, mais également en révélant la façon dont la critique et le public le perçoivent à une période donnée, et finalement en évaluant en fonction de l’époque quelles représentations de Vian s’estompent, se maintiennent ou dominent au sein des différents groupes sociaux et différentes institutions considérés.