Les rappelés de 1955, un contingent réfractaire : « La quille ! » et « le Maroc aux Marocains », Étude d’une révolte sous les drapeaux (24 août 1955-décembre 1955)

GRENIER Clément, Les rappelés de 1955, un contingent réfractaire : « La quille ! » et « le Maroc aux Marocains », Étude d’une révolte sous les drapeaux (24 août 1955-décembre 1955), Maîtrise [Michel Pigenet, Jean-Louis Robert], Univ, Paris 1, 2001, 213 p.

Le 24 août 1955, le gouvernement d’Edgar Faure décide, dans le cadre de l’augmentation des effectifs militaires destinés au « maintien de l’ordre » au Maroc et en Algérie, le rappel de 70 000 disponibles du contingent 1953/2. Le terme de disponible désigne les hommes qui, ayant déjà effectué leur service militaire, se trouvent placés dans la disponibilité, une période de trois ans durant laquelle ils peuvent être rappelés sous les drapeaux. Ces jeunes gens, revenus à la vie civile depuis quatre mois se voient ainsi arrachés à leur activité professionnelle et à leur environnement familial et affectif pour être envoyés en Afrique du Nord. Le gouvernement prend une série de mesures visant à atténuer le sacrifice demandé à ces hommes et l’armée met en œuvre dans la précipitation cette mobilisation soudaine et massive.

Ces rappelés vont alors manifester leur mécontentement : aux mois de septembre et octobre 1955, plusieurs milliers d’entre eux se livrent à des actes de protestation dans les casernes et les gares, notamment à l’occasion de leur départ pour l’Afrique du Nord. Cri de slogans, déclenchement du signal d’alarme des trains qu’ils empruntent, refus d’obéir aux ordres, affrontement avec les forces de l’ordre les encadrant : les rappelés s’expriment et agissent sous diverses formes. Notre travail a consisté à dater et analyser ces événements afin de comprendre le mécontentement et les oppositions qu’ils traduisent. Les rappelés se sont opposés à leur départ en Afrique du Nord sans que cette protestation n’exprime ouvertement un refus de la guerre coloniale, cependant, son existence même constitue une fissure dans la cohésion nationale et représente un point d’appui pour les remises en cause politique de la présence française en Algérie. Ce mouvement spontané, relayé jusqu’à un certain point par le Parti communiste, qui entend se faire l’écho de la colère des rappelés et de leurs familles, inquiètent les autorités, qui répriment les « meneurs » et constatent qu’une partie de ces rappelés n’est pas convaincue de l’utilité, voire de la légitimité de la mission qu’ils sont amenés à accomplir.