La grève des PTT de l’automne 1974 et les médias

BOUGET Vincent, La grève des PTT de l’automne 1974 et les médias, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 178 p.

De par la durée et l’âpreté du conflit, la grève des PTT de l’automne 1974, qui débute le 17 novembre pour s’achever le 2 décembre, est certainement l’une des grèves les plus marquantes de l’histoire de l’administration. S’inscrivant dans la continuité des travaux sur la place des médias dans les mouvements sociaux, ce mémoire se propose non pas de retracer l’histoire de la grève, mais d’analyser sa représentation médiatique et l’enjeu qu’elle constitue dans le conflit. Cette étude s’appuie à la fois sur une partie de la presse écrite (notamment les quotidiens à diffusion nationale comme Le Monde, Le Figaro, l’Humanité et France Soir) et sur la télévision, à travers l’étude des notices descriptives des journaux télévisés des deux premières chaînes de l’ORTF.

La grève des PTT, rejointe au mois de novembre par d’autres mouvements dans la fonction publique, occupe une large place dans l’espace médiatique. Presse écrite et presse audiovisuelle multiplient les articles, les reportages, les interviews pour don­ner à leur public, usagers des Postes et Télécommunications, les dernières nouvelles, les dernières analyses d’un conflit qui ne peut laisser indifférent. Les médias procèdent alors à une reconstruction du conflit, obéissant aux contraintes du traitement journalistique, mais aussi aux choix des équipes rédactionnelles. Si les mots permettent de donner un sens à l’événement, les images fixes ou animées participent également de la représentation de la grève. L’une d’entre elles notamment en constitue un véritable symbole : celle des sacs postaux entassés. Alors que le nouveau Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing et son gouvernement, emmené par Jacques Chirac, sont jugés sur leur capacité de gestion des conflits sociaux et plus largement de leur aptitude à diriger le pays, les syndicats, CGT et CFDT en tête — apparaissant comme les leaders du mouvement — voient leurs légitimités de représentation et d’action faire l’objet d’un débat dans l’espace médiatique.

Miroirs déformants de la réalité, les médias ne laissent indifférents ni les organisations syndicales ni le gouvernement. La représentation médiatique est, en effet, pendant la grève, un terrain de lutte. Il s’agit pour chacune des parties d’attirer la bienveillance des usagers, et donc de l’ensemble de la population, pour faire infléchir le rapport de force. Alors que le gouvernement semble privilégier la tribune télévisuelle qu’elle contrôle, les syndicats, s’ils tentent de l’investir, ne se contentent pas de l’information médiatique pour expliquer aux usagers les raisons de la grève. Ils s’appuient sur une forte présence sur le terrain pour fournir à la population une information directe court-circuitant la presse. Au cœur du conflit, les médias le sont aussi directement soit en étant placés, dans le cadre de la presse audiovisuelle, sous l’autorité du gouvernement, soit en étant eux-mêmes des usagers des PTT. Organisateurs collectifs de la vie pendant la grève, ils sont considérés par les acteurs, comme des instances privilégiées pour toucher la population non seulement en tant qu’usager, mais aussi en tant qu’opinion publique, arbitre de la légitimité de leur action.