La commission de contrôle des œuvres cinématographiques face au cinéma français de fiction, 1956-1960

CLOSETS (de) Sophie, La commission de contrôle des œuvres cinématographiques face au cinéma français de fiction, 1956-1960, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 260 p.

Ce mémoire se propose d’étudier la commission chargée de contrôler, c’est-à-dire de censurer tout ce qui était projeté sur les écrans en France, en se concentrant sur les longs-métrages français de fiction réalisés entre 1956 et 1960, période-charnière à la fois parce qu’elle voit la France, engagée dans le conflit algérien, changer de République, mais aussi parce que, pour la dernière fois de son histoire, la censure cinématographique se durcit, alors qu’émerge un style cinématographique plus libre, celui de la Nouvelle Vague.

La commission de contrôle des œuvres cinématographiques, rattachée au Centre National de la Cinématographie, avait donc la charge de délivrer ou non le visa d’exploitation des films, visa qui autorisait la projection des films devant tous les publics ou l’interdisait aux mineurs de moins de 16, puis de 18 ans, ainsi que le visa d’exportation des films français à l’étranger, décisions qui pouvaient avoir de douloureuses conséquences financières pour les producteurs. L’étude de cette commission, de son fonctionnement comme de ses agissements à la fin des années cinquante permet donc d’envisager l’attitude de l’État face aux films et à la représentation qu’ils proposaient de la société française et de ses problèmes sociaux et politiques.

Le fonctionnement au quotidien de la commission montre que, derrière une rigueur ostentatoire dans le respect des règles, grande était la part laissée à l’appréciation des membres de la commission, membres issus des ministères et de I’administration qui contrôlaient cette institution, malgré les efforts des représentants du cinéma pour que la parité de la commission fût effective. Il incombait donc aux représentants de l’administration publique de s’assurer, au prix de coupures et d’interdictions, que l’Etat, ses institutions comme ses choix politiques, fût respecté dans la production cinématographique française. Mais, autant la commission était intransigeante quand il s’agissait de politique, autant elle acceptait une relative Iiberté sur le plan des mœurs. Les négociations que tentaient les producteurs des films pour faire lever les interdictions auprès de la commission, et du ministère de l’Information, autorité de tutelle qui prenait en définitive les décisions, soulignent le poids des avis pris par une commission, qui voulait plus instaurer une autocensure dans le monde du cinéma qu’imposer ses vues par des interdictions ou des coupures, solution qui imposait aux représentants de l’État de désigner précisément leurs normes du « représentable ». La censure cinématographique entre 1956 et 1960 faisait également l’objet de vifs débats entre partisans d’un contrôle plus sévère et défenseurs d’une vraie liberté d’expression cinématographique ; son étude révèle donc à la fois les clivages d’une société française en mutation et l’image de ces bouleversements dans le cinéma français tel que le voyaient les représentants de l’État, tenants de l’ordre social et politique.