Le PCF et l’autogestion. Du rejet à l’adhésion (1968-1979)

DANDÉ Serge, Le PCF et l’autogestion. Du rejet à l’adhésion (1968-1979), Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 229 p.

La thématique autogestionnaire émerge en France avec le mouvement de Mai 1968 et occupe tout au long des années 70 une place importante. C’est ce qu’atteste, à un double niveau, son insertion progressive dans les discours des principales organisations politiques (PSU, PS et PCF) et syndicales (CFDT et CGT) et sa place dans les luttes-phares de la décennie notamment celle de Lip. Des organisations ouvrières, le PCF est celle qui inscrit le plus tardivement l’autogestion dans sa stratégie. C’est seulement en 1979, lors de son XXIIIe Congrès, que le parti communiste se dote explicitement d’une stratégie autogestionnaire, près de dix ans après le PSU et la CFDT et quatre ans après le PS. Pour autant, de 1968 à 1979, le PCF n’a été ni également ni constamment opposé à l’autogestion. Au contraire, son attitude se modifie progressivement.

Trois périodes peuvent être dégagées. De décembre 1968 à mars 1973, le PCF rejette purement et simplement l’autogestion dans un contexte où elle ne lui apparaît pas représenter une menace sérieuse. Premier parti de la gauche, parti de la classe ouvrière, c’est un PCF assuré par la puissance de ses positions — électorales et militantes — qui discute de l’autogestion et polémique contre les courants s’en réclamant. En revanche, dès l’été 1968, les communistes cherchent à intégrer dans leur programme les aspirations de mai. Notamment, le PCF adapte son discours et développe ses positions sur la gestion démocratique et l’autonomie de gestion qu’il oppose à l’autogestion. La défaite de la gauche aux élections législatives en mars 1973 sanctionne le recul des communistes au profit des socialistes. Dès lors, et jusqu’en mars 1977, le PCF cherche à empêcher l’émergence d’un pôle autogestionnaire autour d’un PS crédibilisé aux yeux des militants se revendiquant de l’autogestion. À cette fin, le parti communiste se réclame lui -­même des exigences antiétatistes et antibureaucratiques de l’autogestion, sans pour autant s’y référer dans ses documents, afin de dénier toute possibilité d’en faire un élément de ralliement pour la gauche non communiste. À partir de mars 1977, le PCF se proclame autogestionnaire. Sa conversion à I’autogestion est contemporaine de la campagne en faveur d’une réactualisation du programme commun de la gauche que la crise économique oblige à remanier. Conçue essentiellement comme un moyen d’éviter que l’autogestion soit utilisée comme un contre-feu dans le débat qui s’annonce difficile sur le seuil minimum de nationalisations, l’adhésion au PCF offre également l’avantage de permettre un rapprochement avec la CFDT que les communistes comptent utiliser afin de créer un rapport de forces suffisant pour arracher une politique de nationalisations ambitieuse. La défaite de la gauche aux élections législatives de mars 1978 conduit le PCF à assimiler l’autogestion dans sa stratégie afin de justifier une nouvelle approche de l’union misant sur les liens à la base et rejetant tout accord au sommet.

Le ralliement progressif des communistes à l’autogestion est dicté par les circonstances. Ce n’est pas la confrontation idéologique avec les courants se réclamant de l’autogestion qui convainc le PCF à se rapprocher des positions autogestionnaires, mais le développement d’un pôle autogestionnaire contestant son hégémonie sur la gauche française qui pousse le PCF à se convertir à l’autogestion. L’absence de conséquence sur sa politique et sa pratique souligne cette adhésion formelle du parti communiste aux idéaux autogestionnaires. Ainsi, lors de la campagne des élections présidentielles de 1981, l’autogestion est-elle totalement absente du programme et des discours de Georges Marchais. L’érosion rapide des idées autogestionnaires entre 1979 et 1980, qui touche non seulement le PCF mars l’ensemble des formations s’en réclamant dans les années 70, questionne la réalité de l’adhésion de nombreux courants à l’autogestion et les motivations qui les avaient conduits à s’en réclamer.