Le chaos et la réforme : mise en place des Comités d’Établissement et du Comité Central de la SNCF, 1982-1986

RENAUD Alexandre, Le chaos et la réforme : mise en place des Comités d’Établissement et du Comité Central de la SNCF, 1982-1986, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 295 p

En 1982, les lois « Auroux » apportent un renouveau majeur des relations collectives dans le monde du travail. Entre autres changements, la loi du 28 octobre 1982 octroie de nouveaux moyens financiers, juridiques et matériels aux Comités d’entreprise. Cette même année, la SNCF arrive au terme de la convention qui lui avait donné naissance en 1937, et un débat est engagé entre la Direction, les syndicats et le ministère des Transports afin de décider de l’avenir des chemins de fer français. De ce débat et de la Loi d’orientation des Transports intérieurs (LOTI) du 31 décembre 1982, il résulte que la SNCF devient un Établissement public industriel et commercial (EPIC) à dater du 1er janvier 1983, et doit respecter le droit commun du travail en matière de négociations collectives et de représentation du personnel. À cause des spécificités techniques de l’exploitation ferroviaire et du poids de l’histoire sociale du monde cheminot, la SNCF était jusque-là restée en marge de ce droit commun. La réforme à engager s’annonce donc importante.

L’étude débute avec les lois Auroux et la « renaissance » que connaît la SNCF. Elle s’attache à l’intégration de cette nouvelle institution dans une organisation jusque-là marquée par le centralisme décisionnel, la division des tâches et une concertation sociale relativement limitée. Elle retrace la dynamique selon laquelle se sont heurtés puis conciliés l’impératif de réforme imposé par un texte de loi et l’inertie inscrite dans les structures et les mentalités d’un secteur professionnel aux pratiques séculaires. Elle relève la place prise par chacun des partenaires sociaux au cours de cette période ; les permanences et les ruptures des pratiques et des positions certes marquées d’intérêts politiques et matériels à court terme, mais également traversées par un ensemble de références et de réflexes que R. Barthes appelait des « mythologies ». Apparaît ainsi un monde cheminot craignant l’éclatement et qui, de haut en bas de la chaîne hiérarchique, se trouve enchâssé dans une organisation rigide du travail, protection contre le changement et handicap pour le renouvellement.

Cette étude s’inscrit dans un triple questionnement : premièrement, sur les interactions existant entre un texte de loi et son contexte d’application ; deuxièmement, sur l’importance de la concertation sociale et du poids de l’histoire des mentalités dans une dynamique d’entreprise ; troisièmement, sur la nécessité de concevoir l’histoire d’entreprise n comme une discipline majeure si l’on veut comprendre comment l’imbrication des pratiques professionnelles et sociales donne naissance à une culture d’entreprise qui pérennise les savoir-faire, implique aussi une part de résistance au changement et détermine un « tempo » du changement.