BAUDEL Sara, L’abandon des villages du canton de Jiloca (1950 – 1970), Maîtrise [Charlotte Vorms, Anne-Sophie Bruno], Univ. Paris 1 CHS, 2020, 176 p.

Situés au nord de la province de Teruel, entre les Montagnes universelles et le Maestrazgo, les petits villages du canton de Jiloca ont perdu plus de la moitié de leur population en moins de vingt ans. Les enfants désertent, les maisons et les écoles ferment. Olalla, El Villarejo, Collados, Cuencabuena, Valverde et Lechago sont en phase terminale et sont voués à l’abandon. Entre 1950 et 1970, l’Espagne de la dictature du général Franco s’industrialise, s’urbanise et se tertiarise à l’image de ses voisins français et italiens. Dans ce contexte d’intenses mutations, le mode de vie traditionnel des campagnes entre en contradiction avec des valeurs nouvelles, chères à la société de consommation. Au croisement de l’histoire sociale et de l’histoire démographique, il s’agit ici d’offrir un panorama de la vie au village du canton en 1950. Cet aperçu de la vie au village est utile à l’étude approfondie de l’exode rural à un moment où les campagnes doivent servir les intérêts productifs du régime. Quelles sont les caractéristiques sociales des migrants ? Qui sont-ils ? Comment vivaient-ils ? Toutes ces questions sont guidées par l’étude des registres de population, humanisant et donnant vie à l’étude statistique qui en découle. L’entreprise quantitative montre que le monde rural du canton de Jiloca est bien plus complexe et hétérogène qu’il n’y paraît. Les agriculteurs travaillent aux côtés des fermiers, des métayers et des ouvriers agricoles, les femmes aident au champ et migrent parfois seules avec leurs enfants, laissant leur mari au village. Cette étude à l’échelle du canton met en lumière les stratégies des ménages, qui agissent en fonction des opportunités du moment. Ces opportunités, la ferveur modernisatrice du régime les en prive. Les campagnes de Teruel, sèches et austères ne l’intéressent pas. Les villages se dépeuplent et se transforment en lieu de villégiature en attendant que les derniers survivants s’en aillent à leur tour.