Philippe Rygiel, L’ordre des circulations ? L’Institut de Droit international et la régulation des migrations (1870-1920), Éditions de la Sorbonne, 2021. Coll. « Histoire contemporaine ».
Le contrôle des migrations affectant le territoire d’un État est souvent conçu comme relevant de la seule compétence de celui-ci : tout passage de frontière, tout séjour d’un étranger, pourtant, mettent en contact plusieurs souverainetés et instaurent entre elles des échanges, des négociations, ou suscitent des conflits.
Les fondateurs du droit international moderne, réunis à la fin du XIXe siècle par l’Institut de droit international, en étaient bien conscients. Fins observateurs du monde de leur temps, qu’ils entendaient ordonner selon le droit, ils consacrent alors aux implications des mobilités humaines des milliers de pages, et au meilleur moyen de les régler de nombreux débats, soucieux qu’ils étaient d’instaurer un ordre des circulations libéral, condition à leurs yeux de la prospérité de chacun et de la paix entre les nations occidentales. Ils entreprennent ainsi, non sans connaître de véritables succès, d’assurer un statut juridique aux étrangers résidant en Occident, de protéger les réfugiés de la vindicte des États, de dénoncer enfin les entraves trop manifestes à la liberté de circulation.
Les guerres brutales que connut l’Europe, sa division en aires d’influence rivales, l’affaissement de la civilisation européenne consécutif à la Première Guerre mondiale ont fait tomber dans l’oubli ces travaux fondateurs autant que leurs réalisations effectives, dont beaucoup ne survécurent toutefois pas à l’effondrement du monde qui les avait vu naître. Ce livre retrace leur histoire et leurs combats, en un temps que marque à nouveau autant la nécessité d’un ordre mondial des mobilités humaines que l’apparente impossibilité de le faire advenir.