L’image du mouvement de Tiananmen dans les médias français

RICHARD Antoine, L’image du mouvement de Tiananmen dans les médias français, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 196 p. + annexes

Au cours du printemps 1989, un vaste mouvement de contestation éclôt en République populaire de Chine. Les manifestations se succèdent, des étudiants font la grève de la faim et nous vivons l’événement quotidiennement grâce aux médias déployés en masse. Réprimé dans le sang au cours de la nuit du 3 au 4 juin, ce mouvement a marqué l’opinion française puisque les manifestations de soutien aux contestataires sont nombreuses. Devant cet engouement, nous nous sommes deman­dé comment il était possible que le mouvement ait eu un tel impact.

Pour mener cette étude, nous avons d’abord étudié la production de l’image pour comprendre quelle image est susceptible d’être transmise. Nous avons caractérisé un corpus strict de sources destiné à être le plus représentatif possible, incluant quatre quotidiens nationaux — Le Monde, Le Figaro, Libération et l’Humanité — ainsi que les journaux télévisés des trois chaines hertziennes. Puis, nous avons étudié, d’une part, la médiatisation des événements dans ces médias et, d’autre part, la gestion de l’information avec une étude des correspondants permanents et autres envoyés spéciaux. Après avoir défini la possible image que peuvent produire les médias, nous nous sommes attachés à comprendre l’image de la contestation dans les médias au travers d’une étude sur la chronologie du mouvement, sur les lieux de la contestation et enfin avec une qualification de son seul interlocuteur : le pouvoir chinois. Nous avons alors aperçu la fabrication de l’image étudiante et pro-démocratique du mouvement de Tiananmen. Cette image s’affirme essentiellement, à l’unanimité dans nos médias, au lendemain de la répression. Nous nous apercevons que les médias développent une image universelle au mouvement, en le délocalisant notamment ou en mettant en évidence le côté totalitaire et répressif du pouvoir.

Les médias définissent le mouvement comme étudiant. Or, nous avons vu que la population se range en masse à ses côtés, qu’elle le soutient. De même, les médias insistent sur la revendication pro-démocratique du mouvement, mais qu’en est-il véritablement ? Est-ce la seule revendication ? Nous nous sommes attachés à comprendre la composition du mouvement, notamment à la description des étudiants et de la population par les médias ; ainsi qu’aux slogans et revendications tels qu’ils apparaissent aux détours de nos quotidiens. Nous voyons que le mouvement est étudiant dans sa définition, car les étudiants apparaissent comme le plus groupe le plus apte à le représenter. Les médias développent ainsi une image contestataire des étudiants, en rappelant leur appartenance à une élite traditionnellement contestataire, ou en insistant sur leur faible condition de vie. Avec leurs descriptions, les médias légitiment la lutte des étudiants. Ces derniers définissent désormais le mouvement par leurs actions. D’un autre côté, la population est définie comme attentiste face au dévelop­pement du mouvement. Les médias mettent en scène divers groupes sociaux pour expliquer le ralliement, la force du mouvement. Le plus remarquable semble alors être le ralliement progressif des travailleurs qui caractérisent la base du régime communiste et donc qui démontre le rejet de celui-ci. Ce ralliement s’effectue sur une base revendicative instaurée par les étudiants. Les étudiants ont eu « l’intelligence politique, de ne pas enfermer le mouvement dans leurs seules revendications. En manifestant aussi contre la corruption, ils peuvent alors obtenir le ralliement de la population à leur lutte. Dans cette étude des revendications et des slogans, nous nous apercevons tout d’abord que les médias finissent par occulter toutes les revendications n’ayant pas trait à la démocratie.

Nous prenons alors conscience du fait que l’image du mouvement développée par les médias est une image susceptible de toucher les Français. Les médias incorporent en une même image, l’image de la jeunesse en lutte, avec des rappels à Mai 68, l’image de la lutte pour la démocratie et la liberté, déterminante en cette année du bicentenaire de la Révolution française.