DEROUINEAU Valérie, L’expression de la « culture pied-noir » à travers le théâtre, la chanson et le cinéma, 1962-1982, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 72 p. + annexes
Alors que l’Algérie française disparaissait en 1962, précipitant sa population européenne, plus communément appelée pied-noir, de l’autre côté de la Méditerranée, des artistes issus de cette terre d’Afrique choisissaient de faire revivre à ce même moment, ce lieu privilégié de rencontre d’hommes et de femmes issus de pays bordant la Méditerranée et de confessions religieuses différentes.
De cette terre, allait naître une culture empreinte des us et coutumes de chacun d’entre eux (l’apport des autochtones n’est pas négligeable par ailleurs), dont les pièces de théâtre, les chansons et le cinéma allaient donner un témoignage peut-être plus médiatique que celui porté par la littérature.
Durant vingt années, des artistes tels que Marthe Villalonga, Robert Castel, Enrico Macias, Alexandre Arcady, Roger Hanin… vont s’attacher à ce que cette culture inscrite au plus profond d’eux-mêmes, perdure bien qu’elle ne puisse plus prendre sa source dans le pays lui-même. Ils ne font que reproduire ce qu’ils sont dans la réalité : des Pieds-Noirs avec leurs craintes ou leurs espoirs. L’expression de cette culture de 1962 à 1982 en porte les marques.
De 1962 à 1969, c’est un temps d’expression à « vif » : le sourire avec « La Famille Fernandez » et l’émotion non dissimulée avec Enrico Macias en sont les principaux exemples. C’est également la découverte du parler né dans le faubourg de Bab-el-Oued à Alger : le Pataouète. Suit un temps de renaissance (1970-1979) : certains auteurs comme Robert Castel avec Kaouito le pied-noir ou Alexandre Arcady avec son film Le coup de Sirocco tentent de dépasser les clichés qui entouraient leur communauté pour aller au plus profond dans l’expression de cette culture. Dans ce sillage, s’inscrit la naissance en 1973 du Cercle Algérianiste, association qui se donne pour mission de « sauver une culture en péril ».
Cette association sert de transition avec le troisième temps où les artistes (dont de nouveau surgissent comme Jean-Paul Gavino, chanteur ou la troupe du Théâtre Pied-Noir) décident que cette culture doit perdurer bien que dix-huit années la séparent de la fin de « leur Algérie ». Son avenir est en jeu.
Mais un certain essoufflement ne sera-t-il pas perceptible dans l’expression à mesure que nous nous éloignerons de cette année fatidique que représente 1962 ?
Cette culture est née d’un pays : peut-elle vivre sans ? Ne risque-t-elle pas de devenir une « culture pied-noir métropolitaine », une « culture de cœur » ?