BOYER Leila, Les sociétés de secours mutuels parisiennes au tournant du XIXe et du XXe siècle, Maîtrise [Michel Dreyfus, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 192 p.
Une société de secours mutuels est une association dont les membres constituent une caisse par des cotisations régulières. L’argent mis en commun sert à secourir ceux qui se voient privés de revenu, à cause de la maladie, la vieillesse ou le décès du chef de ramille. En 1880, Paris compte plus de 500 sociétés, très diverses par leurs modes de recrutement, leurs tailles et leurs fonctionnements. Les cas de figure sont multiples, d’où l’ambigüité croissante de statuts juridiques héritée des régimes précédents, qui ne suffisent pas à comprendre la diversité des fonctionnements. Le travail a donc d’abord consisté à poser des repères parmi ces groupements.
En premier lieu, les objectifs et l’activité varient d’une association à l’autre. Une grande différence existe entre les sociétés qui organisent uniquement un service de retraite et les sociétés qui versent également des secours. En outre, les fonctionnements financiers sont plus ou moins élaborés. Sous l’impulsion d’H. Maze, la question de l’efficacité de la gestion est traitée par les mutualistes notamment lors du congrès de 1889. Les budgets de différentes sociétés ont été examinés pour déterminer si au terme de la période, les orientations définies en congrès ont eu un impact sur les pratiques des sociétés. À la fin des années 1880, certaines sociétés ont des modes de recrutement et de fonctionnement similaires. On peut effectuer des rapprochements parmi trois ensembles : les sociétés de I’artisanat, celles du commerce et les sociétés municipales d’arrondissement. Les sociétés dont les dirigeants s’impliquent dans les congrès nationaux ont été étudiées en priorité.
Les relations entre les groupements ont aussi été envisagées. Les années 1880-1898 sont une période d’incertitude à l’échelle régionale. Elles correspondent à la situation du mouvement mutualiste national. Celui-ci traverse une étape transitoire, depuis l’arrivée au pouvoir des républicains en 1879 jusqu’à la loi de 1898, qui libère les initiatives mutualistes. Tout d’abord, les sociétés parisiennes sont peu représentées lors des congrès de la mutualité, qui ont lieu à partir de 1883. De plus, les institutions parisiennes ont du mal à se développer et leur rayonnement est limité. Il s’agit en particulier de la Chambre consultative, créée en 1883, autorisée en 1884. Enfin, la législation héritée du Second Empire ne reconnaît pas aux sociétés de secours mutuels le droit des’associer, en particulier à l’échelle du pays. Des mouvements d’action nationale, comme la Ligue nationale de la prévoyance et de la mutualité (autorisée en 1890) ou l’Union nationale des présidents (autorisée en 1893) sont donc considérés comme parisiens, alors qu’ils ne touchent que très partiellement les sociétés de secours mutuels locales.
Les années qui suivent le vote de la Charte de la mutualité en 1898 sont décisives. D’une part, une réelle Union des sociétés du département de la Seine est créée en 1902. D’autre part, les premières années du XXe siècle sont marquées par un développement quasi exponentiel des effectifs. L’essor se produit principalement dans des sociétés de création récente, qui relève souvent des secteurs salariés en expansion dans la capitale, comme l’administration et les transports. Le tournant du siècle représente donc un moment charnière, au cours duquel la composition des effectifs mutualistes change profondément.