Les comités d’action en mai-juin 1968 en région parisienne, à travers l’étude des tracts

CARRÉ Stéphanie, Les comités d’action en mai-juin 1968 en région parisienne, à travers l’étude des tracts, Maîtrise [Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 160 p.

Nous plaçons ce travail de recherche dans la continuité du travail effectué par Michelle PERROT, Madeleine REBERIOUX et Jean MAITRON dans le Mouvement social, n° 64, juillet – septembre 1968, intitulé la Sorbonne par elle-même, en espérant compléter au mieux les recherches sur les comités d’action, grâce à l’étude d’un corpus de tracts sélectionnés au CHS. Mai 68 est sans conteste l’événement social et culturel le plus important qu’ait connu la société française depuis 1945. La crise universitaire, partie de Nanterre, incomprise des autorités, s’étend à l’ensemble de la société et bouscule le pouvoir politique et l’État. L’agitation étudiante, plus représentative et radicale dans Paris et sa région prend la forme d’une protestation globale : contre l’ordre social, la hiérarchie, la guerre, la famille, le conformisme. Spontanée, joyeuse, libertaire, créative, violente aussi et marquée par la renaissance des idéologies d’extrême gauche, elle proclame « l’imagination au pouvoir » et met en évidence des nouvelles formes de contestations qui se développent durant le mouvement et qui perdureront après lui. Les comités d’action ont été une des formes les plus originales de ce mouvement. Organisme de base de l’action étudiante, le comité d’action est un groupe informel et restreint de camarades attelés à une tâche liée au mouvement, celle-ci étant souvent au point de départ leur seul dénominateur commun. Inspirés des comités Viêtnam de base et des comités d’action lycéens, existant depuis 1967, on peut dénombrer près de 450 comités d’action en région parisienne en juin 1968. Les comités d’action sont présents aussi bien dans les universités et les lycées, que dans les entreprises et les quartiers. Nous nous sommes alors demandé quels ont été la place, le rôle et la fonction des comités d’action dans le mouvement de mai 1968. Après avoir expliqué l’origine, la création et la multiplication des comités d’action (par qui, pourquoi et comment) et leur nature, nous voyons en quoi les comités d’action ont influencé le déroulement des événements tout en étant nés avec eux et en subissant leurs effets. En étudiant les données quantitatives (lorsque c’est possible de le faire) et qualitatives, notamment à travers l’étude du vocabulaire des tracts, nous étudions comment ces comités s’organisent (avec notamment l’étude plus spécifique de la coordination des comités d’action), et comment ils tentent de se définir. L’appellation « comité d’action » (dont l’origine reviendrait à Trotski) recouvre, en effet, des réalités très différentes : la perpétuelle ambiguïté des taches qu’ils se fixent reflète l’ambiguïté même de l’action du mouvement étudiant. Le principal mot d’ordre qui réunit les militants et les non-militants dans ces comités d’action c’est, justement, l’action. Les comités d’action ont alors pour but de promouvoir l’action directe sous toutes ses formes, dans la rue, mais aussi dans les Universités et dans les usines. Par là ils sont un reflet de l’ensemble du « Mouvement de Mai » marqué par une dimension essentielle : la volonté d’éclatement, l’effort de jonction avec les usines. Il faut sortir de l’université pour faire la révolution en poussant la classe ouvrière, sans laquelle rien n’est possible. Les comités d’action, « vigies de la Révolution », structures « gauchistes » par excellence pourtant nées du refus de la division groupusculaire de l’extrême gauche révolutionnaire, essaient ainsi, malgré les divergences idéologiques, de travailler en union pour créer, face au pouvoir légal, un pouvoir révolutionnaire. Or cette tentative a échoué, notamment parce que les divergences étaient trop fortes et que la structure même du comité d’action réunissait en son sein les facteurs de l’échec. L’objectif du mémoire est alors de voir en quoi les comités d’action sont un reflet du mouvement de mai, dans tout ce qu’il a de contradictoire. En effet, ils sont à la fois une émanation du caractère spontané du mouvement traversé par l’esprit rousseauiste et libertaire, et une volonté paradoxale de structurer et d’orienter un mouvement pourtant indéfinissable.