L’École émancipée de la Libération à l’autonomie de la fédération de l’éducation nationale (1944-1948)

VERGER Jérémie, L’École émancipée de la Libération à l’autonomie de la fédération de l’éducation nationale (1944-1948), Maîtrise [Claude Pennetier, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 175 p.

Le travail effectué traite du syndicalisme enseignant. Il s’inscrit dans la récente histoire des tendances, spécificité structurelle du syndicalisme enseignant en France. L’Ecole Emancipée est le groupement syndical le plus ancien chez les enseignants, héritier du syndicalisme révolutionnaire et l’organisation en tendances est une de ses revendications. La motion Bonissel-Valière (mars 1948) en est un bon exemple ; c’est elle qui fait passer la Fédération de l’Éducation nationale dans l’autonomie et qui règle son régime intérieur. Ce texte de compromis avec la majorité réformiste est largement inspiré par Marcel Valière, dirigeant de l’École Émancipée. L’étude se développe en trois temps : l’analyse du processus de reconstruction de la tendance, la caractérisation de la mémoire véhiculée par l’École Émancipée et de sa place dans le système syndical français. La tendance se disloque pendant la Seconde Guerre mondiale. L’étude de sa reformation à la Libération permet d’éclairer le processus de formation d’une tendance : le rôle des réseaux de sociabilité ainsi que l’évolution de l’implantation militante sur le territoire et selon les générations. Derrière l’apparente stabilité, l’arrivée de jeunes militants du Parti communiste internationaliste est importante, renforçant en particulier les groupes de la Seine et du Rhône. Néanmoins, la cohérence du groupe ainsi reformé est également reconstruite et garantie par la revendication d’une identité spécifique. Le discours unificateur véhiculé s’appuie sur l’histoire de l’Ecole Emancipée et en fait l’héritier des pionniers du syndicalisme enseignant et de la Fédération unitaire de l’Enseignement, c’est-à-dire la mémoire légitime du syndicalisme enseignant. L’héritage revendiqué de la diversité idéologique de la tendance et de l’importance qu’elle accorde à la pédagogie commence cependant à être remis en cause par les jeunes militants trotskystes. Enfin, le dynamisme de la tendance se traduit par son activité revendicative. L’analyse du système revendicatif, c’est-à-dire le positionnement adopté face aux grandes questions d’actualité comme le statut de la Fonction publique ou la réforme de l’enseignement, permet de déterminer la place de l’École Émancipée par rapport aux deux autres grands courants de pensée : les réformistes, majoritaires dans la FEN, et les partisans de la majorité confédérale, plus proches du Parti communiste. À ce titre, le lancement du journal Front ouvrier par Marcel Pennetier apparaît comme une tentative de rassemblement des syndicalistes révolutionnaires afin qu’ils fassent entendre leur voix au sein de la CGT, de la période de la « bataille de la production » au déclenchement de la Guerre froide. Il s’agit en effet de rendre compte du choix par l’École Émancipée de l’autonomie fédérale, traditionnellement interprétée comme un corporatisme.