RAGUIN Vincent, Le PCF dans le département de la Seine vu par la préfecture de police (septembre 1940-mai 1942), Maîtrise [Claire Andrieu, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 157 p.
L’entrée des troupes allemandes à Paris le 14 juin 1940 ouvre une nouvelle ère dans le domaine de la répression anticommuniste. Le virage pris par la politique répressive dans le département de la Seine est pourtant moins net que ce que l’on a pu croire. En effet, la Troisième République finissante avait déjà pris les mesures les plus sévères contre le PCF jusqu’à la dissolution de ce parti le 26 septembre 1939. D’autre part, l’idéologie antimarxiste n’a pas attendu les armées de la Wehrmacht pour se développer, mais trouve sa source dans l’Entre-deux-guerres. Les rapports de la Préfecture de police permettent ainsi de dégager les grands axes du discours policier pendant les premières années de l’Occupation. Tous les thèmes développés font écho au discours anticommuniste tenu par la droite durant les années 1930 : le PCF est ainsi un parti fondamentalement antinational, totalement inféodé aux ordres de Moscou et dont la stratégie consiste à exacerber les tensions sociales en vue d’établir une dictature de type soviétique. Le discours préfectoral fait ici preuve d’une remarquable continuité. Le revirement stratégique profond pris par le PCF suite à l’invasion de l’URSS par Hitler ne se répercute que faiblement sur l’analyse faite par la police parisienne. Pour cette dernière, l’objectif du PCF reste le même, à ceci près que la révolution socialiste passe désormais par une pseudo libération nationale. Si les rapports de police sont riches d’informations sur la stratégie prêtée au PCF, ils sont également très instructifs quant à l’action développée par les militants communistes dans le département de la Seine. Bien sûr, la prudence doit être de mise face à une administration chargée du maintien de l’ordre, mais, si l’on s’entoure des précautions nécessaires, de nombreux enseignements sont à tirer des rapports du Préfet de police, notamment sur la répartition géographique des diverses formes d’action (propagande, manifestations de « ménagères », sabotages, attentats…). Malgré tous les efforts et les sacrifices des militants communistes, force est de constater que, jusqu’en mai 1942, c’est bien la répression qui mène le jeu. Les nouvelles conditions offertes par l’Occupation, l’état d’esprit régnant au sein de l’ensemble du corps policier parisien permettent en effet de mettre en place une véritable machine de guerre contre le PCF. Entre juillet 1940 et mai 1942, les forces de police ont procédé à plus de 2800 arrestations et à près de 1750 internements administratifs sur des communistes dans le département de la Seine. Doit-on pour autant conclure à un échec du combat mené par les communistes ? Les rapports de la Préfecture de police nous invitent à analyser l’action du PCF sous l’angle de ses retombées sur l’opinion publique parisienne. Or, les études récentes tendent à considérer l’automne-hiver 1942 comme le moment où les Parisiens commencent à se retourner suite à l’aggravation de la répression. Durant les deux premières années de l’Occupation, le PCF a ainsi payé un tribut très lourd face à une police motivée et efficace, mais son action paraît donner ses premiers fruits par l’évolution, partielle et complexe, de l’opinion publique parisienne.