MERLIN Éléonore, Le CERES, de l’autogestion à la République, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 199 p. + 80 p. d’annexes
Le CERES, Centre d’études et de recherche sur l’éducation socialiste, est fondé au sein de la SFIO en 1966 par quelques énarques, parmi lesquels Jean-Pierre Chevènement.
Parrainé au départ par Guy Mollet, le groupe prône une politique socialiste classique, basée sur l’interventionnisme étatique avec les concepts de planification et de nationalisation. À ses débuts, sa spécificité est de s’encrer à la gauche de la SFIO, en appelant dans un discours marxisant à une union des socialistes avec le PC, alliance qui devrait prémunir le parti socialiste de la dérive « social-démocrate » identifiée au « mollettisme ».
Comme une majeure partie de la gauche, les événements de Mai 68 conduisent le groupe à tenter de concilier cette base identitaire avec le thème autogestionnaire. La ligne globale de son projet remporte l’adhésion du nouveau parti fondé à Epinay, même si certaines des mesures qu’il propose, considérées comme étant trop à gauche, sont édulcorées par les socialistes modérés. L’arrivée du courant des Assises dont une composante « moderniste » remet en cause les fondements traditionnels de la doctrine socialiste au niveau de l’action de l’État, représente une menace pour le CERES, en ce qu’il se situe sur son terrain, tenant des discours autogestionnaires très éloignés de sa propre vision. Le courant de Jean-Pierre Chevènement élabore un discours visant à marginaliser le courant rocardien, qui se traduit par une crispation sur la défense du rôle de l’État dans le processus autogestionnaire. Parallèlement, il intègre le thème national aux piliers de sa stratégie, évolution peu commune pour un courant de gauche socialiste. À la fin des années 1970, le CERES tient un discours radicalisé, fustigeant l’influence libérale des rocardiens, insistant sur le rôle de l’État et sur le sentiment national qui doit mobiliser autour de I’application d’une politique socialiste. S’il remporte une victoire « théorique » face à son concurrent au sein du parti au congrès de Metz, il connaît un désaveu cinglant de sa ligne politique dès les premières années d’exercice du pouvoir par les socialistes après 1981. Entamant une révision idéologique, le courant tient désormais un discours centré sur le thème de la République et sur ses deux fondements : l’État républicain et la Nation.
L’étude de l’évolution du discours du CERES, de l’autogestion à la République, conduit à examiner la genèse du discours autogestionnaire du PS et à mettre en relation son évolution avec les débats doctrinaux et idéologiques qui traversent le parti du milieu des années 1960 au milieu des années 1980, alors que les socialistes sont à la tête de l’État depuis 1981. L’abandon des références marxistes représente une évolution importante du discours socialiste durant cette période.