Le Centre de Formation du Comédien d’Écran (1943-1946)

MONTAVILLE Reidun, Le Centre de Formation du Comédien d’Écran (1943-1946), Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 188 p.

La période de l’Occupation tient une place particulière dans l’histoire du cinéma français. Loin d’avoir été amputé par les nombreux départs de prestigieux réalisateurs et acteurs, celui-ci se maintient à un haut niveau de qualité artistique. Selon Marcel L’Herbier, une chose manque, cependant, pour que le cinéma français acquière une valeur encore plus grande : une institution qui forme des jeunes gens à l’interprétation exclusivement cinématographique, et non pas théâtrale comme dans d’autres écoles. Pour en finir avec cette habitude de voir les écrans envahis par des comédiens de théâtre, Marcel L’Herbier décide de créer l’Institut de Formation Artistique pour le Cinéma (IFAC), qui prend le nom de Centre de Formation du Comédien d’Écran (CFCE) en juin 1944. L’IFAC est rattaché à la seule école de cinéma existante, le Centre Artistique et Technique des Jeunes du Cinéma (CATJC), qui est basé à Nice et qui forme à la fois des techniciens et des comédiens. L’IFAC, qui se présente comme la filiale parisienne de la section « comédiens » du CATJC, ouvre ses portes le 23 mars 1943 au 73 rue de Varenne, dans le 7e arrondissement à Paris. La création de ce centre s’inscrit d’emblée dans le programme de réorganisation du cinéma français opéré par le gouvernement de Vichy : Marcel L’Herbier bénéficie ainsi des subventions et du soutien de l’État français, et plus particulièrement du directeur général de la Cinématographie, Louis-Émile Galey. Celui-ci, au courant des revendications de la profession, a tout à fait conscience du manque de professionnalisation des métiers du cinéma. De plus, pour avoir une assise professionnelle bien établie, le CFCE se ménage l’appui des plus grands réalisateurs de l’époque, parmi lesquels Claude Autant-Lara, Louis Daquin, Jean Grémillon et Marcel Carné. Ce projet d’école de cinéma s’inscrit cependant d’emblée dans un cadre beaucoup plus large : Marcel L’Herbier réalise que ce manque atteint également d’autres disciplines telles que la radio, le jazz, le disque… Il projette ainsi, dès 1942, la création d’un « Conservatoire des Arts Nouveaux » destiné à la valorisation de formes d’art jusque-là dénigrées par le monde artistique. Ce projet ne vit toutefois jamais le jour. Le soutien de la direction générale de la Cinématographie amène à se poser la question de l’inscription du CFCE dans la politique globale du gouvernement de Vichy. À première vue, en effet, le CFCE présente les caractéristiques d’une institution d’influence vichyste former et encadrer sont ses mots d’ordre, tandis qu’il accorde une importance considérable, à travers les cours de sport, à la construction d’un physique sain. En réalité, le CFCE s’apparente plutôt à une banale école professionnelle formant les jeunes à un métier où le physique prime. Toutefois, le CFCE ne réussit jamais vraiment à s’imposer dans le milieu artistique : il subit longtemps les effets d’une polémique l’opposant au Centre des Jeunes du Spectacle (futur ENSATT) géré par l’Union des Artistes. Les critiques formulées en 1945 par le président et le secrétaire du Syndicat national des acteurs, qui nient toute spécificité de l’acteur de cinéma et ne comprennent donc pas la raison d’être du CFCE, discréditent celui-ci auprès des instances gouvernementales. En janvier 1946, ferme l’unique école pour acteurs de cinéma ayant eu une reconnaissance institutionnelle.