La guerre d’Indochine et ses répercussions dans les débats de la SFIO (1945-1954) : éthique de responsabilité ou éthique de conviction ?

BUI Gwenegan, La guerre d’Indochine et ses répercussions dans les débats de la SFIO (1945-1954) : éthique de responsabilité ou éthique de conviction ?, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 176 p.

À la Libération, la France estime pouvoir tenir son rang dans le concert des grandes Nations. De l’avis du plus grand nombre, c’est aussi grâce à son Empire colonial que la France renaîtra de ses cendres. La SFIO partage cette analyse, c’est pourquoi elle s’engage et soutient la naissance de l’Union Française en 1946. La SFIO est au cœur de la vie politique française, elle participe pleinement au gouvernement provisoire et à la République naissante, en particulier par l’intermédiaire de son groupe parlementaire qui, en position charnière, est en mesure de faire et de défaire les gouvernements. C’est le plus illustre des socialistes d’alors, Léon Blum, qui gouverne la France lorsque l’Indochine s’embrase au soir de l’insurrection de Hanoï, le 19 décembre 1946.

Parallèlement, les tensions internationales croissantes se répercutent sur le climat politique. À gauche, le PCF se radicalise, l’engagement de la CGT lors des grèves de 1947 est total. À droite, le général de Gaulle crée le RPF et critique le régime « des partis ». La SFIO se sent prise au piège entre ces deux forces. Au nom de la défense du régime républicain, la SFIO participe à la Troisième Force. Cependant, les socialistes se divisent et les conflits se multiplient : entre le groupe parlementaire et le comité directeur, entre le secrétaire général et les ministres socialistes, entre la SFIO et son organisation de jeunesse… Néanmoins, les socialistes s’alignent toujours sur les positions gouvernementales, refusant de provoquer une crise institutionnelle sur l’Indochine. La distance séparant la métropole de l’Indochine, la reconstruction de la France, le non-engagement du contingent, la double pression communiste et gaulliste sont autant de justifications de l’attitude commune des socialistes. La gauche anticoloniale de la SFIO, qui a porté Guy Mollet au poste de secrétaire général en 1946, est progressivement évincée à travers le départ de personnages comme Jean Rous, Yves Déchezelles ou Léopold Sédar Senghor. La défense du régime républicain prend le pas sur les convictions.

Les élections législatives de 1951 provoquent un revirement de la SFIO face à cette guerre. Le recul électoral du PCF et du RPF met entre parenthèses une éventuelle menace pesant sur le régime. La SFIO entre en opposition avec le gouvernement MRP. La politique des principes revient au goût du jour. Les socialistes s’interrogent sur les solutions à apporter : internationalisation du conflit ? Abandon pur et simple de l’Indochine ? Intervention d’un médiateur ? Les événements se précipitent. La chute de Diên Biên Phu pousse la SFIO à soutenir l’expérience Mendès-France. Conformément à son discours d’investiture, l’accord de paix est signé le 20 juillet 1954. La guerre d’Indochine prend fin pour le plus grand soulagement des socialistes.