La fortune critique de Maurice Béjart 1955-1968

MANDEL Emmanuelle, La fortune critique de Maurice Béjart 1955-1968, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 219 p.

L’étude de la réception de Maurice Béjart par la critique permet d’une part de s’interroger sur les aspects d’une composante très spécifique du succès du chorégraphe, et de le mettre en relation avec la composante qui provient du public. Elle permet par ailleurs d’observer la façon dont un groupe social, à la fois récepteur et médiateur culturel, la critique chorégraphe, réagit face à un produit culturel à très fort succès et donc très grande publicité : les créations d’un chorégraphe qui déforme la danse académique, emploie des musiques jamais dansées jusque-là, dénude les corps et les décors, mêle les autres arts à la danse et enfin attire les foules. La perception du personnage en lui même présente elle aussi l’intérêt de révéler un système de représentation quant à la place et à l’image du chorégraphe en général. Quelles sont les valeurs esthétiques et morales, les systèmes de référence des journalistes chargés de commenter les spectacles de danse dans la presse française des années 1950-1970 ? Comment accueillent-ils l’audace et l’innovation dans le domaine de la mise en scène de la danse ? Il s’agit aussi de comparer les jugements entre eux et d’interroger la nature du lien entretenu avec le journal qui les publie. Maurice Béjart crée en 1955 Symphonie pour un homme seul, le premier ballet qui le fait exister aux yeux de la critique. Treize ans plus tard, après le Sacre du printemps et Messe pour le temps présent au Festival d’Avignon, il est soutenu à chacune de ses créations par toute un pan de la critique. L’étude du discours de la critique sur l’œuvre nous révèle des valeurs conservatrices profondément ancrées pour une large partie des journalistes, un accueil de la nouveauté souvent très nuancé et prudent, tandis que le discours sur l’homme dévoile une fascination de la critique pour le personnage et l’attribution progressive du statut de vedette à un artiste qui n’est que chorégraphe. L’accueil critique de Béjart c’est l’acceptation et l’adhésion progressive à une danse et un chorégraphe qui remplissent les stades.