Christophe Granger, La destruction de l’université française, Paris, La Fabrique éditions, 2015, 176 p.
Économie du savoir : c’est sur cette notion que s’est enclenchée la débâcle actuelle de l’université. Le Conseil européen l’a dit en 2000 : l’université doit l’aire naître «une économie de la connaissance compétitive, facteur d’une croissance durable». La Banque mondiale de son côté préconise de privatiser le financement des universités, de démanteler les «rigidités» salariales, d’ajuster la formation des étudiants aux besoins du marché du travail et d’encourager la production de savoirs porteurs de débouchés commerciaux et d’innovation industrielle. Ces nouveaux objectifs signifient la fin de l’université telle qu’elle existait en France à la fin du XXe siècle: une institution indépendante où le contenu des enseignements et l’avancement dans les carrières relevaient de décisions prises entre pairs. Désormais, les universités sont contrôlées par des conseils d’administration où siègent des patrons et des cadres de grandes entreprises. Les enseignements sont des «offres de formation» ajustées aux besoins du marché du travail. Les recherches sont financées sur appel d’offres, en fonction des intérêts économiques privés. Désormais, clans une opacité voulue, la précarité s’est généralisée. Par dizaines de milliers, les enseignants-chercheurs sont contractuels, post-doctorants sans postes, auto-entrepreneurs vacataires payés à l’heure, chômeurs déguisés, voire travailleurs au noir.
Dans le monde entier, du Chili à l’Angleterre en passant par le Canada, la Grèce ou la France, des étudiants et des précaires sont en lutte contre cette liquidation. Refusant de travailler dans des ruines, ils veulent faire naître une nouvelle forme de vie universitaire, collective, indépendante et joyeuse.
Christophe Granger est historien, membre du Centre d’histoire sociale du XXe siècle (ParisI/CNRS). Il a notamment publié Les Corps d’été (2009) et À quoi pensent les historiens ? (2013).