Étranges voisins

Judith Rainhorn et Didier Terrier (dir.), Étranges voisins. Altérité et relations de proximité dans la ville depuis le XVIIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2010, 276 p

L’histoire du voisinage en ville reste à écrire. Dans un monde urbain où l’interconnaissance et le côtoiement physique sont de mise, les formes de convivialité, de solidarité et d’entraide, mais également les tensions, litiges et affrontements entre voisins constituent le quotidien de vies minuscules qui, pourtant, ont laissé peu de traces dans les archives. La ville impose aux hommes leurs manières de vivre ensemble. Dans l’espace restreint de l’immeuble et du quartier, des populations étrangères les unes aux autres, souvent étranges les unes aux yeux des autres, partagent l’impérieuse nécessité de vivre les unes avec les autres. L’altérité, acceptée ou rejetée, est donc au cœur des relations de voisinage : on se côtoie, bon gré, mal gré, les ouï-dire circulent et les rumeurs enflent, les connivences et les conflits se tissent. Tout prend de l’ampleur dès lors que le voisinage s’en mêle. La prégnance du lieu sur les habitants est telle que les espaces intermédiaires, la rue, la cour, le hall d’immeuble, le couloir, deviennent un enjeu essentiel pour ceux qui fabriquent la ville comme pour ceux qui la régissent. Historiens, anthropologues, politistes et urbanistes, spécialistes reconnus et jeunes chercheurs font ici dialoguer les disciplines sur la question de la cohabitation quotidienne en milieu urbain. De la contrainte à l’accommodement, de la sociabilité choisie à la promiscuité subie, des crispations construites aux frontières érigées, de la dénonciation au crime, ce livre traque dans les villes de l’Europe en voie d’industrialisation et d’urbanisation massive, du xviiie au xxe siècle, un objet jusqu’ici resté dans l’ombre de l’histoire: la vie au ras du sol avec son étrange voisin.