Les instituteurs du Cher et leurs organisations professionnelles du début du siècle aux années vingt (1900-1922)

DESTACAMP Claire, Les instituteurs du Cher et leurs organisations professionnelles du début du siècle aux années vingt (1900-1922), Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998

À l’aube du XXe siècle, l’exercice du métier d’instituteur, dans le Cher comme ailleurs, présente certaines difficultés. Peu payés, assujettis à l’État et à l’administration locale, les instituteurs subissent aussi parfois des pressions cléricales ou politiques. C’est en ce début de siècle qu’ils prennent conscience avec plus d’acuité de la nécessité de développer des organisations corporatives en vue de leur défense et de celle de leurs intérêts professionnels. Le département du Cher participe entièrement de ce mouvement. Cependant, jusqu’en 1914, l’organisation syndicale reste très minoritaire et la majorité des instituteurs est regroupée au sein de l’Amicale, structure dont les méthodes et les objectifs diffèrent du syndicalisme proprement dit. Après-guerre, une impulsion est donnée et le syndicalisme gagne les éléments jusque-là réfractaires. Dès lors, l’existence de deux syndicats dans le département, l’un de tendance révolutionnaire et l’autre réformiste, pose la question de leur fusion qui, à la fin de la période étudiée, reste impossible. En 1922, on assiste à l’enracinement du syndicalisme réformiste chez les instituteurs et à la désorganisation des révolutionnaires.

L’étude du groupe des instituteurs du Cher et de leurs organisations corporatives et syndicales entre 1900 et 1922 montre un corps professionnel profondément uni par des origines sociales et de formation professionnelle communes, et par une similitude de vie due à l’exercice d’un métier aux difficultés multiples. Cette homogénéité a donné lieu à un regroupement corporatif important qui leur permet d’obtenir des résultats réels et de nettes améliorations dans leur vie professionnelle tant sur le plan local que national. Cependant, la question de l’adhésion de l’ensemble des instituteurs au mouvement corporatif et syndical est plus complexe. Il apparaît que les instituteurs sont, dans leur grande majorité, favorables à l’idée syndicale si celle-ci se limite à la défense de leurs intérêts corporatifs. Respectueux de la légalité républicaine, peu d’entre eux conçoivent la lutte syndicale comme étant avant tout une lutte sociale. D’autre part, leur adhésion passe avant tout par le paiement de la cotisation et peu d’entre eux s’engagent réellement dans la lutte. Le syndicalisme des instituteurs du Cher est avant tout le fait de militants peu nombreux qui ont donné leur vie au combat syndical.

Pour ce travail, nous avons d’abord fait une étude statistique du corps processionnel des instituteurs (origines géographiques, sociales, formation, situation familiale), en consultant un échantillon de dossiers personnels d’instituteurs enseignant dans le département entre 1900 et 1922 : pour l’étude de la naissance et de l’évolution des regroupements corporatifs et syndicaux, nous nous sommes basés, sur le fonds d’archives du SMEL du Cher (correspondance syndicale, circulaires syndicales et fédérales, courrier administratif) ainsi que sur les bulletins des différentes organisations étudiées.