La Révolution française et ses valeurs chez les instituteurs syndiqués (1920-1925)

BENICHOU Laurence, La Révolution française et ses valeurs chez les instituteurs syndiqués (1920-1925), Maîtrise [M. Vovelle, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 197 p.

Dans notre souci de mettre en relation la Révolution française avec les instituteurs syndiqués, nous avons examiné successivement la nouvelle représentation de ses valeurs, le retentissement de la révolution d’octobre dans l’idéologie syndicale et le nouveau mode de fonctionnement du couple « école et révolution ».

Nous avons choisi 1920 pour plusieurs raisons. La récente naissance de la IIIe république a modifié, en la réactivant, la perception de la Révolution française : la primauté du concept de droits de l’homme devient réalité dans la société française. Au sein de la trilogie républicaine, le dogme de la liberté prend une place essentielle, ce qui conduit, paradoxalement, à légitimer la notion de mérite, au point de nuire au concept d’égalité. 1920 marque aussi la fin de la Première Guerre mondiale : une nouvelle génération d’instituteurs fait la liaison entre la fraternité des patriotes et la solidarité des internationalistes. Il n’est pas étonnant alors de constater une forte homogénéisation du discours syndical relatif aux valeurs de la Révolution.

Il existe bien cependant une ligne de partage entre les deux syndicats au centre de notre étude. Elle passe par le thème de la violence. Le débat est introduit par la Révolution bolchevique. On revient par là au traditionnel clivage entre révolutionnaires et réformistes. Ce clivage s’exprime nettement en termes de théorie du « bloc ». Pour les uns, la violence révolutionnaire est inhérente à toute révolution. On ne saurait donc considérer séparément 1789 et 1793-94. Pour les autres, toute conception révolutionnaire passe par la légalité. Ces derniers justifient ainsi les violences révolutionnaires du XVIIIe français et rejettent toute violence venue de Russie.

À l’étude du rapport entre révolution et école, deux groupes sont apparus parmi les militants. Un premier où domine une pensée qu’on pourrait qualifier de réformiste et pour qui la révolution est allée jusqu’au point où il fallait qu’elle aille. Un second pour lequel si les acquis révolutionnaires constituent bien un pas, l’essentiel reste à faire. Malgré ces divergences, le monde des instituteurs syndiqués se retrouve dans deux idées. Tout d’abord, Condorcet l’emporte sur Lepeletier puisque l’individu prime sur le collectif en termes de pratique pédagogique. Ensuite la Révolution ayant fait l’école via la République il n’est plus besoin de faire la Révolution à l’école. Après la Révolution et la République, l’école républicaine est devenue l’institution de référence.