Les Socialistes français et l’Europe : 1971-1979

LANGLINAY Erik, Les Socialistes français et l’Europe : 1971-1979, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 239 p. + annexes

Bien que peu abordées dans les années soixante-dix, les questions européennes, comprises comme intéressant la CEE, constituent l’un des champs privilégiés de la réflexion des socialistes sur la place de la France dans le monde.

Si les prises de position du PS suivent de très près le cours de la vie politique nationale, notons à cet égard trois périodes : de 1971 au Congrès de Bagnolet (décembre 1973), puis de celui-ci aux élections législatives de 1978 et enfin jusqu’aux élections européennes de 1979, un certain nombre de permanences se dégagent.

Les socialistes sont en effet globalement favorables à la relance institutionnelle de l’Europe à partir du moment où elle tend à plus de démocratie. Par contre, ils sont très réticents vis-à-vis de l’intégration économique et monétaire, tandis que très discrets sur la diplomatie et la défense européenne.

Héritier pour partie de la SFIO, le PS en reprend son pragmatisme et un certain vide de réflexion sur les moyens socialistes de construire l’Europe. À une certaine continuité au niveau du personnel dirigeant, il faut opposer l’abandon des appels à la supranationalité et surtout une démystification de l’Europe entendue désormais plus comme un moyen que comme une fin. Cependant, issues de la synthèse ou du compromis, ces options dissimulent trois visions du monde exprimées concurremment.

Il faut distinguer une première sensibilité autour du CERES, mais rejoint ponctuellement par P. Joxe et Cl. Estier, issus de l’aile gauche de la Convention des Institutions Républicaines, qui posent le primat de la Nation en principe fondateur. Renouant avec la tradition jacobine, enrichie d’une analyse teintée de tiers-mondisme et de moralisme, ils sont hostiles à tout abandon de souveraineté nationale.

À l’opposé, nous distinguons un conglomérat d’hommes largement favorables à l’intégration européenne. Issus de l’ancienne SFIO, tels G. Mollet, suivant le cap fixé par M. Rocard ou P. Mauroy ou encore des personnalités indépendantes d’esprit tels A. Savary, E. Pisani et J. Delors, ils pensent l’Europe comme le cadre nécessaire à la modernisation et à la croissance économique et par là même comme une source de stabilité face au communisme. Ils sont de près ou de loin redevables de la pensée exprimée par A. Philip au début des années cinquante.

Essayant de concilier les deux options, se dégage un centre autour de F. Mitterrand. Ayant la ferme conviction que l’Europe est une réalité culturelle, il compte sur les institutions européennes existantes pour modeler les mœurs et vice versa. Il développe une conception pragmatique du socialisme et des relations internationales, recueillant pour beaucoup l’héritage radical et radical-socialiste sur la question.

Notons qu’il existe moins une aile peu intégrationniste, autour du CERES, opposée à une large option intégrationniste que trois visions du monde différentes, les alliances pouvant à tout moment être reformulées sur la base de l’identité de la France dans le monde.