Les majoritaires de la CGT et la Révolution russe, 1917-1923

MENAGE Jean-Pierre, Les majoritaires de la CGT et la Révolution russe, 1917-1923, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 233 p.

Cette étude, qui repose sur la presse et les sources imprimées, se divise en deux parties chronologiques aux traits spécifiques. Entre mars 1917 et l’été 1920, les commentaires des majoritaires de guerre sur la Révolution russe sont inspirés avant tout par un réflexe national et patriotique. L’attitude majoritaire face à février, face à octobre, ou face à l’intervention alliée, est d’abord fonction des circonstances politiques françaises et de la situation des majoritaires dans la Confédération. La Révolution russe est moins perçue comme phénomène social que comme phénomène national. Dans ces conditions, le bolchevisme est moins évalué comme doctrine que comme politique. Sur le plan théorique cependant, ce dernier est réfuté parce qu’il est en rupture avec la forme de marxisme héritée de la IIe internationale, parce qu’il apparaît, dans sa doctrine comme dans ses manifestations politiques, comme un contresens historique. Cette idée est au centre de toute l’argumentation majoritaire depuis au moins 1918.

Entre l’été 1920 et la fin 1923, les responsables syndicalistes majoritaires réagissent contre le bolchevisme, d’abord parce qu’au travers de la propagande de l’Internationale communiste et des échos qu’elle rencontre parmi les minoritaires, c’est l’existence et la raison d’être de la Confédération qu’ils jugent mises en cause. Ils s’emploient dès lors à situer le débat fondamental qui secoue la CGT sur le seul terrain qu’ils maîtrisent : celui du syndicalisme. Ils opposent l’objectif des réalités soviétiques au subjectif des discours politiques de l’Internationale communiste, ils tentent de redéfinir l’identité confédérale en posant la contradiction du bolchevisme et du syndicalisme. Ils se révèlent ainsi incapables d’assumer les remises en cause que le bolchevisme impose dans un processus entièrement nouveau et revendiqué comme tel. La scission dans la CGT, la NEP en Russie, marquent chacun à leur manière, un terme à la grande crise ouverte en 1920-1921. Les commentaires majoritaires peuvent alors se permettre de fournir une première critique élaborée du bolchevisme et de l’expérience soviétique.