La représentation d’André Malraux, ministre des Affaires culturelles, dans le journal Combat (1959-1969)

PÉPIN Caroline, La représentation d’André Malraux, ministre des Affaires culturelles, dans le journal Combat (1959-1969), Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 145 p. + annexes

Combat, quotidien aux ambitions culturelles et caractérisé par sa liberté de ton et la fougue de ses jeunes journalistes suit avec beaucoup d’attention la création du premier ministère des Affaires culturelles et de sa politique. Confiants et impatients, les journalistes se mobilisent, par le biais d’articles élogieux sur l’institution et sur son responsable, pour que le ministère, dont la survie n’est pas assurée, perdure. André Malraux apparaît, en effet, comme le premier atout du ministère. Aventurier, militant antifasciste, combattant dans les brigades internationales en Espagne, résistant, Malraux est la figure même de l’intellectuel engagé. Mais, Combat, retient surtout que c’est un artiste qui prend la tête du ministère : l’auteur de La Condition humaine, le réalisateur de L’Espoir, artiste qui plus est, a mené une réflexion sur l’Art (La métamorphose des dieux, Les voix du silence). Les journalistes espèrent voir Malraux marquer une rupture radicale avec la politique des Beaux-Arts. Ils confrontent leur conception de l’action culturelle avec celle de Malraux, s’accordent sur la nécessité d’une démocratisation culturelle, sur l’exigence de qualité, et s’opposent sur la question de la culture populaire. Mais, une fois en place, le ministre n’est pas toujours à la hauteur de leurs espérances. La politique du patrimoine et la mise en place des maisons de la culture sont très bien accueillies, mais les crises du théâtre et de l’Opéra, la tardive mise en place d’une politique musicale et la délicate question de la censure donnent lieu à des articles sévères et virulents à l’égard des Affaires culturelles, de leur ministre ou même de l’État. Car au-delà de la critique ou de l’approbation de l’action ministérielle, les journalistes interrogent la politique culturelle, sa conception, ses capacités à réaliser les ambitions fixées par André Malraux, le système ministériel et la place de la culture dans l’État. « Mai 68 » balaye toutes ces réflexions en contestant et remettant en cause la politique gaullienne et donc la politique malraucienne. L’« affaire Langlois », la dernière grande bataille de Combat les avait déjà ébranlées. Paradoxalement, André Malraux au nom de son passé révolutionnaire et du contenu de ses romans est appelé à rejoindre le mouvement. Son silence est très vivement critiqué et discrédite sa politique. Il quitte la vie politique sur les pas du général de Gaulle dans le silence le plus complet. Le ministre des Affaires culturelles est victime de sa légende. Toutes les polémiques que connaît le ministère des Affaires culturelles, entre 1959 et 1969, montrent que Combat ne sait pas distinguer l’écrivain du ministre, le révolutionnaire des années trente du chantre du gaullisme.