Masques (MAMA CNRS)

« Masques. Le masque de protection faciale : histoire d’un dispositif socio-technique entre épidémie, science et société »

Responsable : Judith Rainhorn, PR Histoire contemporaine, Centre d’histoire sociale des mondes contemporains (CHS), titulaire de la Chaire Santé-SHS Paris 1

Financement : CNRS (Institut national des Sciences humaines et sociales), projet MAMA « Du Monde d’Avant au Monde d’Après »

Équipe : Judith Rainhorn (Paris 1/CHS), Marie Thébaud-Sorger (CNRS/Centre A. Koyré), Charles-Antoine Wanecq (CHS)

La pandémie de Covid-19 a fait surgir dans le quotidien de milliards d’hommes et de femmes sur la planète un nouvel objet matériel, le masque facial, destiné à limiter les contaminations virales responsables de la diffusion de la maladie. Depuis le printemps 2020, le masque a fait l’objet de controverses sur son efficacité, d’instrumentalisation politique en régime d’incertitude scientifique, d’une politique de fabrication industrielle et de diffusion à grande échelle, de recettes de fabrication artisanale diffusées sur les réseaux sociaux, d’une mise en cause de son innocuité, etc. Il s’est imposé à une vitesse vertigineuse comme un dispositif socio-technique fondamental de notre quotidien, à l’échelle globale.

Pourtant le masque facial fait partie de l’arsenal de protection contre les maladies infectieuses et contre les poussières depuis des siècles. Si vient immédiatement à l’esprit la silhouette du médecin vénitien luttant contre la peste et se protégeant des effluves morbides grâce à son bec truffé d’herbes aromatiques, des dispositifs de protection, en particulier dans le cadre du travail artisanal puis industriel, ont existé antérieurement. Le XVIIIe siècle qui a vu se développer une recherche importante de dispositifs de protection contre les poussières et les « miasmes » en même temps que s’est transformée la perception de l’air et que sont apparues des études sur le phénomène physiologique de la respiration. Depuis la fin du XVIIIe siècle, inventivité, perception scientifique et maîtrise technique se sont conjuguées pour créer des masques polymorphes, dont on a discuté la forme, la texture, les mécanismes de fonctionnement et les capacités de filtrage, objet destiné à jouer l’interface entre le corps humain et l’air corrompu et qui a donné lieu à une abondante iconographie. D’abord dans la sphère médicale et hospitalière, puis dans celle du travail pollué par les poussières et les émanations toxiques (mines, chimie, etc.), les masques, ventilateurs, respirateurs, scaphandres ont constitué un arsenal matériel dont l’évolution est elle-même soumise aux transformations des savoirs scientifiques. Loin d’être une histoire linéaire, celle de l’invention, de la fabrication et de l’usage des masques témoigne qu’ils sont un objet scientifique et technique dépendant de quantités de facteurs : la perceptibilité des risques véhiculés par l’air, la perméabilité du corps humain par l’intermédiaire de la bouche et du nez, les cultures du travail et les mises en danger dans le cadre professionnel, les pratiques culturelles liés à la place des individus dans la collectivité (distanciation physique, etc.). Ils correspondent, à bien des égards, au processus d’individualisation de la gestion des risques qui accompagne la société hygiéniste en voie de médicalisation depuis la fin du XVIIIe siècle, processus d’individualisation qui culmine avec la responsabilité laissée aux individus de se procurer ces masques, rarement (mais parfois et dans certains lieux/pays) distribués.

Relire aujourd’hui l’histoire des masques de protection depuis trois siècles consiste à interroger les problématiques liant technique et santé, valeur de la vie humaine, inégalités sociales et sanitaires à l’échelle globale.

Durée du projet : 12 mois (automne 2023-automne 2024).

En poste sur le projet : Charles-Antoine Wanecq, chercheur post-doctorant au CHS à compter du 1er septembre 2023.

Manifestations scientifiques à venir :

  1. Journée d’étude « Respirer. Perspectives transversales en SHS sur l’air », 24 janvier 2024 (Campus Condorcet)
  2. Colloque de restitution du projet MAMA (InShs), 18-19 novembre 2024 (Campus Condorcet)

Contacts :
Judith Rainhorn, judith.rainhorn[at]univ-paris1.fr
Charles-Antoine Wanecq :