La fabrique d’une génération

Christian Chevandier, La fabrique d’une génération. Georges Valero, postier, militant et écrivain, Les Belles Lettres, 2009, coll. « L’histoire de profil », 434 p.

Né au temps du Front populaire, Georges Valero grandit dans un des quartiers les plus déshérités de l’agglomération lyonnaise. Soldat en Algérie, il se lance clandestinement dans la rédaction d’un roman antimilitariste. L’écriture devient alors un élément essentiel de son existence, tout comme le militantisme au sein d’une gauche révolutionnaire. Il s’y engage très tôt et est confronté aux soubresauts de l’histoire dans la deuxième moitié du xxe siècle : les luttes anticoloniales, le communisme, Mai 1968, le syndicalisme autogestionnaire, l’anarchie.
Fils d’ouvriers immigrés, Valero entretient un rapport très fort à la culture. Il écrit dans les journaux lycéens, met en place à Lyon le ciné-club de la CGT dans les années 1960, fait venir le théâtre de la Cité dans son centre de tri occupé en Mai 68, participe à l’aventure des radios libres. Ses romans sont fortement imprégnés de cet engagement dans la cité, mais se révèlent également un témoignage sur un monde populaire où l’on peine à parler de soi à la première personne. En cela, au-delà de la figure de l’écrivain travailleur, c’est bien l’histoire d’une génération et d’un milieu, pour lesquels la culture se révélait émancipatrice, qui est ici retracée. Et l’attention portée aux années de formation, qui fait de cet ouvrage un rare récit d’une enfance et d’une jeunesse en milieu populaire, insiste bien sur ce qui se révèle la fabrique d’une génération.
Curieux d’un monde qui lui semble poser des questions fort actuelles, Christian Chevandier est parti au début du XXIe  siècle à la recherche de son personnage, a parcouru les lieux que le romancier a fréquenté, a rencontré ceux qui furent ses proches, ses amis tout comme des collègues qui ne l’appréciaient que modérément. Praticien de la recherche historique, il a su découvrir des archives inédites : les manuscrits de Georges Valero, des correspondances, les archives syndicales, celles de la police et de l’armée, des papiers privés.

 

 

christian chevandierécrivaingénérationGeorges valerohistoire socialeLes belles lettreslyonnais