Le personnel du nettoiement de Paris de 1944 à 1977. Techniques, pratiques et identités professionnelles

PROST Barbara, Le personnel du nettoiement de Paris de 1944 à 1977. Techniques, pratiques et identités professionnelles, Maîtrise [Michel Pigenet], Univ. 2002, 129 p.

Qu’ils remontent à plusieurs siècles ou qu’ils soient apparus à une époque plus récente, les poncifs et les représentations négatives s’attachant au nettoiement urbain et à son personnel sont légion, mais la réalité du monde des éboueurs, par exemple ceux de Paris, reste a découvrir. Le personnel de nettoiement ne forme ni ne souhaite former un groupe à part dans le monde des métiers, malgré les représentations. Et ce, meme s’il a certaines particularités indéniables.

D’abord, qu’il s’agisse du personnel technique 9.ui conçoit le nettoiement ou plus encore du personnel ouvrier qui l’exécute, ils travaillent au contact d’une « matière première » que tout le monde ne souhaiterait pas côtoyer : les ordures ménagères, la salissure (et c’est de là que proviennent la plurart des préjugés). Autre spécificité, ils sont des employés municipaux de Paris, la ville lumière gigantesque (un million de tonnes d’ordures par an), que d’aucuns, disent encore sale à l’époque qui nous intéresse. Étant donné la difficulté a définir, propreté urbaine, il ne semble pas possible de vérifier cette affirmation, d’autant plus que des descriptions contradictoires brouillent les pistes. Ce qui semblé avéré est que le service municipal du nettoiement, service immense qui compte plusieurs milliers de travailleurs, très organise depuis plusieurs décenmes, donné en modèle à d’autres villes, rencontre des difficultés croissantes dans les trois décennies qui nous intéressent, difficultés nées de la société de l’expansion, de l’accroissement du tonnage des ordures et du nombre de véhicules, dans une ville en pleine mutation. Les conditions de travail des ouvriers du nettoiement sont loin, d’être optimales bien que les moyens fournis par la capitale soient conséquents. Conséquents, mais insuffisants, aussi bien pour le matériel que pour les effectifs du personnel, et les salaires.

D’ailleurs, étant donné la difficulté du travail, sa faible rémunération les représentations qui s’attachent à la profession, le nettoiement de Paris souffre d’un problème de recrutement et doit faire appel en nombre à des travailleurs immigrés. À partir de la seconde moitié des années 1960, si une petite partie du personnel ouvrier reste composée de titulaires français, près des trois quarts du groupe sont formés par des travailleurs immigrés. N’ayant pas la nationalité française, ils ne peuvent disposer des garanties du statut des fonctionnaires, et sont appellés saisonniers. Cette précarité dans leur travail est, avec les mauvaises condmons de travail et les salaires à l’origine des grandes grèves catégorielles de la fin de notre période. Longues, dures, elles ne sont pas passées inaperçues, et victorieuses, elles ont conduit une revalorisation notament pécuniaire du métier. Elles ont été permises par une forte combativité des travailleurs, regroupés en nombre au sein d’un syndicat, le syndicat CGT nettoiement. Ce dernier joue également un rôle indéniable dans la cohésion du groupe ouvrier, constitué de plusieurs milliers de personnes et ayant une tradition de combativité. Cette cohésion est aussi permise par tout un monde informel d’échanges avec les concierges, d’arrêts au café, que le changement de composition du groupe n’a guère altéré, confortant plutôt l’identité du groupe que la bouleversant.

Étudier le nettoiement de Paris dans cette période, c’est visiter la capitale par des biais peu connus, d’abord celle de son Administration édilitaire, bien particulière, et, depuis les trottoirs, à l’aube, la regarder changer, salir, jeter. Enfin, étudier le nettoiement de Paris de 1944 à 1977 c’est surtout partir à la rencontre d’un groupe professionnel comme les autres avec ses missions, ses pratiques, ses évolutions, un groupe à l’identité bien présente, mais pas plus forte qu’ailleurs, et qui vit les derniers moments d une organisation remontant à plusieurs décennies, avant la mécanisation des tâches et la privatisation.