Le mythe du bon dictateur : perception du Portugal de Salazar dans les milieux intellectuels français d’extrême droite 1928-1945

ROZEIRA DE MARlZ E CASTRO Frédéric, Le mythe du bon dictateur : perception du Portugal de Salazar dans les milieux intellectuels français d’extrême droite 1928-1945, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 123 p.

Salazar (1889-1970) est le seul homme politique portugais à avoir attiré l’attention à l’étranger après Pombal deux siècles plus tôt. Installé aux affaires en 1928, il incarne l’Estado Novo, cas unique de longévité politique en Europe. En ces années tournantes pour les intellectuels français, le Portugal a pu incarner une troisième voie. L’étude de sources françaises (ouvrages de la période relatifs au Portugal et magazines : L’Illustration, Je Suis Partout, Gringoire) permet de reconstruire l’imaginaire de ces intellectuels. Souvent issus des cercles maurrassiens, ils manifestent un refus violent des principes de 1789. Le Portugal fait figure de pays de cocagne, à l’écart des turbulences d’un Occident qui redoute son déclin. Le pays est représenté de façon médiocre par les vecteurs français. Les descriptions font la part belle à l’exotisme. Elles permettent aussi de donner forme à plusieurs mythes. L’époque des Découvertes illustre l’obsession de l’âge d’or. Salazar incarne le sauveur et le fiscaliste. Souvent associé à des qualificatifs de pureté et de clarté, il est le vainqueur du complot maçon et communiste. La dictature portugaise fait l’unanimité, mais pour des raisons variées. Son respect des valeurs chrétiennes réjouit les traditionalistes. Le régime corporatif et les organisations à caractère totalitaire (telles que la Jeunesse Portugaise, MP) intéressent les diverses familles de la droite extrême. Le régime de Vichy est l’occasion de passer de l’influence idéologique aux réalisations concrètes. S’ils s’intéressent parfois à la Constitution portugaise de 1933 qui instaure une « République unitaire et corporative », les intellectuels d’extrême-droite soulignent l’inachèvement des réformes, l’impossibilité de les transposer en France et le manque de charisme de Salazar. La perception du Portugal de Salazar de 1928 à 1945 ne sort que rarement du cadre décevant des récits hagiographiques. Les intellectuels français d’extrême-droite font figure de voyageurs candides, égarés par l’exotisme d’un pays archaïque.