Inventer/Inverser le Grand Paris

Colloque international

Inventer/Inverser le Grand Paris. Vers une nouvelle histoire des metropoles ?

Paris, 14-15 mars 2024 à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville, 60 boulevard de La Villette 75019 Paris, Amphithéâtre Bernard Huet

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Le moment politique initié par la Consultation internationale du Grand Paris de 2008 a constitué une opportunité exceptionnelle de relance des travaux sur l’histoire de la métropole francilienne. Historien.nes et chercheurs.ses ne pouvaient qu’interroger les discours de rupture diffusés par les décideurs, les aménageurs et les médias. C’est dans cet esprit qu’en 2012 s’est formé le collectif de recherche pluridisciplinaire « Inventer le Grand Paris » qui, à travers quatre colloques internationaux (2013, 2014, 2015, 2016), prolongé par un programme de recherche de 8 années au sein du Labex Futurs urbains, s’est attaché à réinscrire cet épisode dans une longue généalogie des plans, projets, opérations, qui ont défini les devenirs métropolitains.

Le mot « inventer », pris dans sa double étymologie d’inventaire et d’invention, a ainsi permis plusieurs renouvellements. Le premier a consisté à dépasser une historiographie plus ancienne qui avait fait de la succession des grands plans d’aménagement la trame principale d’un récit de la métropole (Michel Carmona, 1979). Le second a été de réinscrire résolument le cas parisien dans une approche comparative internationale en soulignant les circulations de savoirs et d’experts, et en interrogeant de possibles «moments» autour desquels se nouent des problématiques communes au sein d’une histoire croisée des métropoles. Le troisième enfin, a consisté à enrichir l’histoire du fait métropolitain par d’autres questionnements, comme celui des scènes politiques, des paysages et représentations, ou encore de la longue durée.

Dès lors, pourquoi adjoindre ici le terme « inverser » ? Au-delà des jeux de consonance, il s’agit de partir autant des inflexions d’un programme de recherche que du renouvellement de l’historiographie et des thèmes soulevés par l’actualité. D’une part, les travaux du collectif ont conduit à déplacer l’attention vers des approches plurielles du Grand Paris. À l’objet d’étude unique, ou placé dans une perspective comparatiste, succède une multiplicité de terrains, réunis ici par les questions de recherche qui leur sont posées. D’autre part, la montée en puissance, dans les discours politiques et médiatiques, mais aussi dans les disciplines universitaires, des préoccupations environnementales, de la conscience patrimoniale, de l’intérêt pour les usagers ou acteurs au rôle jusqu’ici minoré, ou pour l’histoire située, constituent autant d’invitations à décentrer le regard pour saisir le fait métropolitain. Le mot « inverser » explore donc ici les potentialités de renouvellement des recherches dans le double sens de « retournement de perspective » et de « changement d’ordre et de valeur », en privilégiant trois questionnements que ce colloque a vocation à approfondir.

Une lecture plurielle du fait métropolitain. Du Grand Paris aux Grands Paris

Une première proposition consiste à explorer la pluralité des manières de dire et voir le Grand Paris et les métropoles, afin de tester notamment si les résultats peuvent mener à déplacer voire inverser notre compréhension de l’histoire métropolitaine. L’enquête peut prendre ici deux directions qui s’articulent et se complètent. Une première piste invite l’historien à se mettre en quête des appréhensions sous-documentées de la métropole parce qu’elles émanent d’acteurs ou usagers peu ou pas étudiés (acteurs économiques, échelons politiques locaux, mobilisations sociales, populations invisibilisées : minorités ethniques, femmes, enfants, personnes âgées…). Une seconde piste est plus historiographique: il s’agit de réexaminer les méthodes et les thématiques par lesquelles l’historien se met en quête du Grand Paris. Tester d’autres manières d’interroger le fait métropolitain (par l’environnement, les paysages, les représentations, le conflit…) invite à revisiter l’histoire des métropoles à partir des questions de recherche qui lui sont posées et à retracer les différentes modalités d’expression à travers le temps.

Les temporalités métropolitaines. De la scansion en plans aux temporalités croisées.

Le deuxième renversement touche aux implications de ces déplacements sur le récit métropolitain. Le cas parisien a longtemps été emblématique d’une scansion temporelle pensée à l’aune des dates des grands plans ou des grandes décisions politiques. Les colloques tenus entre 2013 et 2016, puis les séminaires thématiques diachroniques tenus de 2017 à 2023, en ouvrant la voie à une réorientation des travaux vers l’épaisseur des plans d’aménagement, ont conduit les travaux du collectif vers une approche plus fine de cette question. Comprendre la métropole au croisement de différentes temporalités variées et parfois contradictoires peut ainsi constituer un nouveau terrain d’enquête. Comment les aménageurs, acteurs économiques, habitants etc… arbitrent-ils entre les temporalités des cycles politiques (élections), privés (cycle de vie), économiques (expansion et crises), internationaux (guerres, tensions internationales), globaux (mondialisation), environnementaux (climat, risques centennaux) ? Comment la question du temps (durabilité des constructions, aspects mémoriels, façonnement des paysages, cycles de la végétation) vient-elle travailler et questionner à nouveaux frais la fabrique de la métropole ?

Du comparatisme international à un récit du fait métropolitain.

Enfin, à partir de ces chantiers, le colloque entend explorer une question plus épistémologique. Les douze années de travaux menés par le collectif Inventer le Grand Paris ont placé au cœur de leur préoccupation une histoire croisée des métropoles dans un cadre comparatif et transnational. De nouveaux objets d’étude ont ainsi émergé, comme l’ont montré les journées consacrées à la construction du Grand Berlin (l’écriture de l’histoire), du Grand Moscou (la maîtrise foncière), du Grand Tokyo (les parcs) ou de la Chine métropolitaine (circulations et transferts) en regard du Grand Paris. Poursuivant cette entreprise, l’un des enjeux de ce colloque est aussi de réinterroger les manières d’opérer cette comparaison. Si les études fondées sur les transferts culturels et les outils de l’histoire transnationale, sur les aires culturelles, et, dans une moindre mesure sur l’histoire globale, ne manquent pas, comment opérer le croisement de ces différentes approches ? Une histoire croisée des métropoles permet-elle d’initier l’écriture d’un récit du fait métropolitain à l’époque contemporaine ?

Les deux journées de ce colloque n’ambitionnent pas d’épuiser les terrains permettant de répondre à ces questionnements, mais plutôt de tester les potentialités « d’inversion » de trois approches du fait métropolitain : saisir la métropole par ses représentations et ses paysages ; par ses conflictualités ; et enfin par son environnement.

En proposant un dialogue avec des chercheurs travaillant sur d’autres métropoles nationales ou internationales, il s’agit tout autant de resituer les singularités parisiennes dans un horizon plus large, mais aussi d’accentuer l’effet d’inversion des points de vue afin de permettre de nouveaux regards sur l’histoire des métropoles.

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