Une crise persistante des orchestres de région de la fin des années 1970 à 1986 : de l’impasse du « modèle Landowski » aux carences de la politique de la gauche

LAYANI Fanny, Une crise persistante des orchestres de région de la fin des années 1970 à 1986 : de l’impasse du « modèle Landowski » aux carences de la politique de la gauche, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 321 p.

Les orchestres régionaux, créés en 1969 par Marcel Landowski, à la tête du service de la Musique, dans le cadre de son plan de dix ans pour le développement de la musique en France, connaissent, à la fin des années soixante-dix, une véritable « crise de croissance ». Et si l’action du premier directeur de la Musique est assez aisée à saisir, presque incarnée dans le plan de dix ans et expliquée, a posteriori dans Batailles pour la musique, l’empreinte de ses successeurs, héritant d’un dispositif en crise, est pfus difficile à saisir. Maurice Fleuret nommé directeur de la Musique en 1981, doit faire face à une situation délicate : le plan Landowski, arrivé à échéance deux ans auparavant n’avait été que très partiellement appliqué, jamais réadapté en fonction des évolutions de la société, et aucune nouvelle politique n’avait été initiée pour en prendre le relais.

La crise qui touche les orchestres est à la fois financière, esthétique et morale. Les partenaires financiers entrant dans la composition du budget des orchestres ont tendance à se montrer de plus en plus réticents, voire à se désengager. Dans le même temps, le statut social et les conditions de vie des musiciens ne cessent de se dégrader, et les orchestres, dévalorisés au plan international et dont le répertoire limité ne se renouvelle pas, perdent peu à peu leur public. Or, l’espoir de changement et de renouveau suscité par la poussée électorale de la gauche est réel. Ce phénomène est prolongé par la nomination de Maurice Fleuret, vu comme un homme d’idées et d’actions, qui pourrait mettre un terme à l’immobilisme croissant de la direction de la Musique. Toutefois, un bilan peut être dressé, à la fin de la législature, d’après une série de rapports commandités par la direction de la Musique, sur tous les orchestres de région.

À l’issue de cinq ans de gouvernement de gauche, aucune véritable réforme n’a été menée et rien n’est réellement achevé en 1986. Les orchestres dépendent plus encore qu’auparavant, du fait de la diversification des collectivités locales les finançant, de décisions politiques, et n’ont pas fait l’objet d’une véritable politique construite et cohérente. Les quelques mesures concernant tous les orchestres, prises par le gouvernement socialiste, relèvent de l’application au domaine culrurel de décisions bien plus générales (créations d’emplois, décentralisation). Il paraît clair que les orchestres et, d’une manière plus générale, la diffusion de la musique « classique » n’ont jamais fait partie des priorités du gouvernement socialiste en matière culturelle. Cependant cette absence de politique cohérente n’est pas imputable aux seules instances ministérielles. En effet, la diversité des orchestres, de leurs statuts, de leurs budgets et de la nature comme de la profondeur de leurs implantations locales rend toute tentative de politique unitaire particulièrement difficile et les orchestres comme les musiciens ne peuvent que bénéficier d’une gestion au cas par cas.

Une politique de statu quo et d’action au jour le jour, fonction des problèmes immédiats, semble donc avoir été menée par l’État, après un premier revers subi par Jack Lang sur la question des nationalisations d’orchestres. Les seules décisions réellement influentes sur la vie des orchestres sont prises au niveau municipal et régional, les politiques les plus actives étant souvent menées par des élus de gauche ; la décentralisation n’apporte pas de changements fondamentaux concernant les orchestres, en dehors d’une augmentation du financement régional. Mais elle est très mal vécue par les orchestres, qui y voient un désengagement de l’État.

Le doublement du budget de la Culture et les fortes augmentations des crédits alloués aux orchestres permettent de sauver quelque temps la situation, par injection de moyens financiers supplémentaires, mais le problème structurel posé par les lacunes du plan Landowski demeure, autant que le flou dans la définition des missions incombant aux orchestres. Par ailleurs, le centralisme du dispositif est paradoxalement renforcé, au profit des orchestres parisiens, et les orchestres de régions semblent connaître une période de relative stagnation.

L’absence de politique cohérente succédant au plan Landowski semble avoir pérennisé un dispositif transitoire, répondant à des besoins précis dans un contexte donné.