Perception et représentation de l’étranger dans le « Temps », 1920-1928

SUREMAIN (de) Frédérique, Perception et représentation de l’étranger dans le « Temps », 1920-1928, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 306 p.

En 1920, Le Temps est un quotidien du soir à la réputation établie, faisant référence dans le domaine de la politique étrangère. En effet, il est question de l’étranger, d’une part dans son éditorial Le Bulletin du Jour qui occupe la majeure partie de ses colonnes qui est connu pour refléter l’avis du Quai d’Orsay, et d’autre part dans ses correspondances Les Lettres de l’étranger qui sont souvent financées par les pays concernés.

La représentation qu’il offre du monde évolue spatialement et politiquement au cours de la période. En effet, sur le plan spatial, on passe d’une vision partielle et partiale du monde européano-centrée, à une vision plus globale, pratiquement mondialiste.

Sur le plan politique, l’Europe des puissances, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, dont l’hégémonie sur le monde dit civilisé a été mise en cause par la guerre et ses conséquences, s’essouffle. D’autres pays, à la faveur de la guerre ou de la crise des démocraties que stigmatise le journal, se sont affirmés comme acteurs à part entière de la vie internationale : les États-Unis, la Russie soviétique, l’Italie, et dans une moindre mesure l’Espagne. Enfin, l’Orient, jusque-là entièrement soumis, ou en tout cas, sous forte influence européenne, s’éveille, se dégage de sa tutelle, et affirme son identité propre et ses particularismes par le biais du nationalisme.

Au-delà de la représentation que Le Temps donne de l’évolution des relations internationales, c’est sa conception de la société moderne qui apparaît — une société démocratique calquée sur le modèle occidental et une certaine image de la France — une puissance malmenée qui se veut la gardienne des valeurs de l’Europe du temps de sa splendeur. Ce sont aussi ses craintes quant à l’avenir qui apparaissent, devant un monde qu’il ne peut plus appréhender à partir des seuls schèmes connus et reconnus par lui ; monde dont il pensait que le développement l’induirait à s’assimiler au modèle européen.

Pour Le Temps, au contraire, ce monde nouveau devient un étranger toujours plus étrange, plus énigmatique, alors même qu’il se développe selon des critères économiques occidentaux.