« Nous sommes maintenant une force et nous avons le devoir d’élever la voix » : Les mouvements sociaux des femmes démobilisées et l’exclusion des travailleurs coloniaux à la fin de la Première Guerre Mondiale

MARCHAND Lucas, « Nous sommes maintenant une force et nous avons le devoir d’élever la voix » : Les mouvements sociaux des femmes démobilisées et l’exclusion des travailleurs coloniaux à la fin de la Première Guerre Mondiale, Maîtrise [Isabelle Lespinet-Moret, Emmanuel Bellanger], Univ. Paris 1 CHS, 2020, 251 p.

Pendant la Première Guerre Mondiale, L’État français ordonne la mobilisation industrielle des femmes et des travailleurs coloniaux afin de soutenir l’effort de guerre, prenant la relève des hommes partis au front. Les secteurs industriels concernés, en premier lieu la métallurgie, connaissent une irruption de catégories spécifiques de main-d’œuvre perturbant la division du travail et conduisant à sa reconfiguration autour de nouvelles structures inégalitaires au sein des usines. Ces inégalités se perpétuent au sein même de la « classe ouvrière », dans laquelle les femmes tiennent une place particulière, ségréguée, sur le côté. Pourtant, les grands mouvements sociaux pendant la guerre sont féminins, en particulier au printemps 1917. Cette place prépondérante et visible des femmes dans I’espace public est remise en question dès le lendemain de I’armistice, où le gouvernement les appelle à quitter ces usines et reprendre leurs « occupations d’avant-guerre », les poussant ainsi hors du projecteur braqué sur elles pendant le conflit, les reléguant à I’arrière-scène, à leur invisibilité « naturelle ». Ce mémoire cherche à montrer que cet appel au retour des femmes à leur foyer, malgré son relatif succès, ne se fait ni naturellement ni facilement : des refus, des résistances nombreuses et protéiformes existent. Au-delà des mouvements sociaux des ouvrières licenciées des usines de guerre, ce travail étudie le moment de l’après-guerre comme un « événement », où se conjuguent une volonté masculine de retour à l’ordre ancien, de réaffirmation des valeurs viriles, en même temps que l’espoir de plus de liberté et d’égalité entre les sexes, avec la perspective du droit de vote par exemple. En revanche, la situation des travailleurs appelés des colonies est différente : qualifiés « d’indésirables », il n’est pas vraiment question de leur futur qui doit se faire loin de la métropole. Les possibilités d’agir sont bien plus faibles pour ces acteurs, et nous ne pouvons que constater leur absence criante des sources que nous étudions. Militarisés, ils ne peuvent pratiquer de réelle grève. En revanche, les grèves de 1919 dans l’Habillement, secteur fortement féminisé, et dans la Métallurgie, ont été examinées, de manière quantitative et qualitative afin de décrire l’expérience militante vécue par les ouvrières en cet après-guerre, où le retour des hommes se fait aussi dans les syndicats. Les cadres militants souhaitent en effet récupérer leurs prérogatives vues comme masculines après les grèves féminines de 1917. Les grèves de 1919 sont analysées comme un moment dans la fonctionnalisation de la grève par la CGT, qui cherche à retirer le pouvoir décisionnel des femmes dans ces mouvements en en empêchant la spontanéité. Mais l’étude des revendications, des discours ou des prises de paroles plus discrètes des femmes, nous indiquent que malgré les « forces conservatrices » à l’œuvre en cet après-guerre, elles avaient acquis une conscience très poussée de leur situation, mais possédaient aussi de véritables leviers d’actions, d’idées pour lutter contre leur domination dans la société. Une volonté de s’organiser et d’agir de manière commune existait et montre un souhait d’émancipation fort.

« Shoulder to shoulder » L’émergence de mouvements LGBT dans la République d’Irlande et en Irlande du Nord, face aux enjeux de la partition irlandaise (1971-1986),

LUNEAU Chloé, « Shoulder to shoulder » L’émergence de mouvements LGBT dans la République d’Irlande et en Irlande du Nord, face aux enjeux de la partition irlandaise (1971-1986), Maîtrise [Isabelle Lespinet-Moret, Paul Boulland], Univ. Paris 1 CHS, 2020, 277 p.

Trois axes majeurs de questionnements traversent cette recherche. En premier lieu la question des relations entre le Nord et le Sud de l’île dans ces mobilisations qui passe par une approche comparative de ces deux espaces et interroge les similarités et divergences dans les formes de militantisme qui s’y développent, mais aussi l’existence de relations transfrontalières concrètes, qu’elles soient de l’ordre de la coopération complète ou d’une solidarité plus lointaine. Un second axe essentiel est la question de la politisation de ces mobilisations qui fait intervenir, en plus de la comparaison entre chaque espace, un questionnement sur les différentes mouvances à l’intérieur même de chaque mouvement et sur les formes de solidarités et d’oppositions entre les différent·e·s groupes et organisations étudié·e·s, notamment en ce qui concerne la prise en compte plus ou moins directe du contexte politique en Irlande. Enfin, se pose également la question plus générale de l’articulation de ces mouvements avec un contexte national et international de mobilisation et donc des circulations, réseaux et influences qui traverses ces mobilisations LGBT en Irlande dans les années 1970-1980. On procédera également en trois temps dans l’analyse de ces mouvements avec une première partie contextuelle qui interroge les similarités des législations et sociétés irlandaise et nord-irlandaise ainsi que les conditions de développement de revendications LGBT dans ces espaces. La période 1971-1986 est ensuite divisée en deux moments. Le premier, de 1971 à 1975-1976, qui porte sur les premières mobilisations et les premiers groupes LGBT en Irlande, pose la question de la partition du mouvement LGBT lui-même en deux mouvements distincts de part et d’autre de la frontière. Enfin, la période qui va du milieu des années 1970 au milieu des années 1980 se caractérise par l’épanouissement de ces mobilisations dans des mouvements de plus en plus institutionnalisés, et par là plus critiqués également par des groupes davantage politisés qui diversifient le mouvement jusqu’au renversement des priorités amené par la crise du sida.

La chorale des identifications. La vie musicale, moteur du sentiment d’appartenance à Saint-Denis (1945-1968)

ECHELARD Guillaume, La chorale des identifications. La vie musicale, moteur du sentiment d’appartenance à Saint-Denis (1945-1968), Maîtrise [Judith Rainhorn, Emmanuel Bellanger], Univ. Paris 1 CHS, 2020

La musique façonne la manière dont les populations s’identifient à la ville qu’elles habitent. Ainsi, de 1945 à 1960, Saint-Denis, banlieue rouge emblématique, est envahie par le son des fanfares et des accordéons qui façonnent la fierté des dionysiens d’appartenir à Saint-Denis la rouge. La vie musicale largement orchestrée par la municipalité évoque un passé commun mythifié et envahit la ville au quotidien. Néanmoins, la musique divise et hiérarchise les différents groupes sociaux dionysiens en fonction de leur orientation politique et religieuse, de leur âge, de leur genre, de leur origine ou de leur milieu social. De plus, à partir de 1950, le rock et le yéyé, arrivés par la radio, viennent bouleverser le rapport des jeunes dionysiens avec leur ville, tandis que la politique culturelle municipale naissante met l’accent sur la musique savante. Ce mémoire s’interroge ainsi, sur cette véritable chorale des identifications, ou les différents rapports des dionysiens à leur territoire, modelés par la musique, s’affrontent ,se succèdent et se hiérarchisent.