Marcel Body : Limoges-Moscou-Limoges. Itinéraire bouleversé par la révolution russe

MANIGAUD Anne, Marcel Body : Limoges-Moscou-Limoges. Itinéraire bouleversé par la révolution russe, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 212 p.

Au cours de cette étude, nous avons reconstitué l’itinéraire politique original d’un militant du mouvement ouvrier français.

Marcel Body est né en 1894 dans un faubourg de Limoges, « la ville rouge » et au sein d’une famille de céramistes et de coopérateurs aux idées socialistes et syndicalistes. En 1916, son attrait pour la Russie et sa connaissance rudimentaire du russe expliquent sa mobilisation dans un régiment partant pour la Russie. En octobre 1917, il est à Moscou un témoin des soulèvements révolutionnaires. Ne dissimulant pas son enthousiasme pour le programme léniniste, il adhère en septembre 1918 au jeune Groupe communiste français de Moscou avec Jacques Sadoul et Pierre Pascal. En apprenti révolutionnaire, il s’applique à comprendre et à servir la Révolution jusqu’en 1921. Mais la répression de l’insurrection de Cronstadt freine considérablement son enthousiasme. Il prend alors du recul en acceptant un poste diplomatique à la Légation soviétique en Norvège où une profonde amitié le lie à Alexandra Kollontaï, représentante plénipotentiaire à partir de 1922.

En 1927, il regagne la France — non sans difficultés — et prend des responsabilités au sein du Parti communiste limousin. Quelques mois plus tard, ses critiques provoquent son exclusion. En créant un hebdomadaire à Limoges en 1928, il unit son action à celle de militants oppositionnels parisiens (Boris Souvarine, Pierre Monatte…). L’échec de son initiative entraîne son effacement de la vie politique. Occasionnellement, il publie des articles dans différents journaux (L’Émancipation en 1935 et La Révolution prolétarienne vers 1967). À la fin de sa vie, il livre son « testament politique » dans un livre de souvenirs, puis dans des conférences publiques sur ses années russes, enfin, dans des articles publiés dans Le Réfractaire (1974-1983), journal créé par son amie May Picqueray.

L’étude du rapport de Marcel Body à l’URSS après une telle expérience révolutionnaire est riche d’enseignements. Comment s’est-il représenté ce pays tout au long de sa vie ? Avec quelle rapidité la « vérité » s’est-elle installée dans l’esprit des hommes qui étaient le plus à même de l’appréhender ? Quelles analyses Marcel Body a-t-il faites du mouvement communiste ?

Les différentes étapes de sa vie éclairent d’une façon originale les causes de dégénérescence du régime bolchevique. Plus il avance en âge, plus sa critique remonte à l’origine du régime mis en place. Sa fidélité aux valeurs et aux symboles du mouvement ouvrier révolutionnaire d’avant 1914 le conduit à envisager la possibilité d’une troisième voie qui n’est ni le communisme soviétique ni le réformisme, mais une voie qui s’inspirerait de l’esprit coopérateur et socialiste dans lequel il avait grandi.