Le Rouge et le Bleu de Charles Spinasse, une expression du « socialisme » dans la collaboration (novembre 1941-août 1942)

ELAMMOUNI lhsane, Le Rouge et le Bleu de Charles Spinasse, une expression du « socialisme » dans la collaboration (novembre 1941-août 1942), Maîtrise [Claire Andrieu, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 439 p., + 87 p. d’annexes

L’hebdomadaire Le Rouge et le Bleu est publié en zone occupée, sous censure allemande, du 1er novembre 1941 au 22 août 1942. Le journal est fondé et dirigé par Charles Spinasse, un homme dont l’itinéraire politique est en partie lié à la crise de la SFIO des années trente. Cet ancien député et ministre socialiste (SFIO) du Front populaire, maire d’Egletons, rallié au maréchal Pétain dès le 18 juin 1940, présente son périodique comme la « revue de la pensée socialiste française », défendant une collaboration avec l’occupant « dans l’égalité des droits », et dans un esprit de fidélité à 1936. L’image la plus souvent associée au Rouge et le Bleu dans l’historiographie est celle d’un hebdomadaire relativement discret en matière de propagande pour l’occupant, tentant, dans la mesure du possible, de défendre l’héritage de la République et du Front populaire, et s’attirant ainsi de violentes attaques de la part des journaux autorisés appartenant pour la plupart à l’aile « droite » de la collaboration, avant d’être rapidement interdit par les autorités allemandes.

Cette recherche entreprend d’analyser les mécanismes contribuant à donner au journal de Charles Spinasse des allures de collaboration « convenable », et de cerner la spécificité du Rouge et le Bleu, au sein de la presse collaboratrice, en analysant la structure de l’objet « Le Rouge et le Bleu », le profil de l’équipe rédactionnelle, et l’évolution de la ligne éditoriale du journal, de novembre 1941 à l’été 1942. À cette date, Le Rouge et le Bleu exprime explicitement, par la voie de Charles Spinasse, et d’autres rédacteurs, son refus du modèle fasciste et nazi de parti unique, non sans avoir prôné, tout au long de sa période de publication, l’instauration d’une république autoritaire, animée par un grand parti populaire, et laissé transparaitre, sous la plume de certains rédacteurs, une forme d’attraction souterraine pour le fascisme et le nazisme. L’étude du Rouge et le Bleu, hebdomadaire « socialiste » autorisé, permet d’apporter des éléments de réflexion supplémentaires à la question des rapports existant entre collaboration de « gauche » et glissement, ou non, dans le fascisme, durant les deux premières années de l’occupation.