AUGER Fabrice, La Santé et le corps sous le Front populaire, 1935-1938, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 161 p.
De quoi parle-t-on lorsqu’on parle de santé et d’hygiène sous le Front populaire ? Jean Garchery, député radical du nouveau gouvernement, chargé des rapports de la santé publique à l’Assemblée, répond qu’il s’agit de « l’avenir de la race, de la protection de nos foyers, de la sécurité, de notre capital humain ». La lecture des débats parlementaires, des projets de loi, de la presse du Front populaire et des revues spécialisées sur les questions d’hygiène met à l’évidence la « dégénérescence physique et morale » de la nation engendrée par la « dépopulalion » et l’aggravation des « fléaux sociaux ». Ces formulations rappellent pour le moins le langage des hygiénistes et des responsables politiques du siècle dernier, période d’exacerbation des nationalismes. Mais l’état sanitaire de la Nation dans les années 30 est alors perçu comme déplorable dans un contexte économique, social et international qui ne le permet pas.
Comment provoquer le « redressement national » ? Les responsables politiques tentent alors de coordonner leurs efforts par une réforme administrative et financière qui sera l’objet d’un large consensus national. Grâce à l’appui de médecins et hygiénistes, et à l’image de ce qui se passe à l’étranger, ils vont agir à la fois dans le domaine de la prévention et de l’assistance pour combler le retard. Même s’il y a d’incontestables innovations comme la surveillance médicale et la promotion de la culture physique scolaire, l’assistance sanitaire prend le pas sur la prévention, contrairement à ce qui est formulé dans les débats parlementaires. Les congés payés devaient favoriser l’éducation sanitaire des masses et la culture physique. Mais celle-ci est appréhendée par le citoyen comme une contrainte. Contrainte à la foi dans sa justification et dans sa pratique elle même, car son histoire évoque dune part un passé militaire et nationaliste, et d’autre part une conception dualiste et utilitaire du corps, où l’effort physique se substitue au plaisir et à la liberté.